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mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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1- La nature des définitions linguistiques:

1- La nature des définitions linguistiques:

 

Lorsqu'un chercheur averti étudie le contenu de ces différentes définitions et qu'il établit une comparaison entre elles, il conclura forcément que du point de vue de la linguistique, il faut comprendre le mot "ghanîmah" du Verset du Khoms dans son "sens général"(12).

Quant à l'autre acception, "les butins de guerre", elle ne constitue pas une signification linguistique originelle (bien qu'elle soit mentionnée dans la plupart des dictionnaires), mais une définition jurisprudentielle. Il suffit d'examiner cette définition dans six des principaux dictionnaires en l'occurrence "Tah-thîb al-Lughah", "Mu`jam Maqâïs al-Lughah", "Lisân al-`Arab", "Al-Miçbâh al-Munîr", Al-Qâmûs al-Muhît", "Tâj al-`Arûs" pour s'en convaincre.

Il est à noter que lorsque ces dictionnaires présentent cette définition jurisprudentielle ils se réfèrent tous directement ou indirectement à deux sources: Abû `Obeid (Al-Qâcim Ibn Salâm...) (décédé en 424 H) et Al-Azharî (282 - 370 H).
Or, Abû `Obeid était un jurisconsulte spécialiste de la Sunnah et du Coran, et n'avait rien d'un linguiste.(13)


Quant à al-Azharî, il a très probablement emprunté sa définition lui aussi à Abû `Obeid, puisque une grande partie des définitions de mots qu'il présente sont tirées de cette source.

Ceci dit, comment de telles définitions purement jurisprudentielles ont-elles pu se glisser dans les dictionnaires linguistiques? Pour comprendre la réponse, il est important de connaître les faits suivants:

a- On sait que les quatre Ecoles juridiques sunnites se sont fait une acception particulière du mont "ghanîmah", mentionné dans le Verset du Khoms précité. Pour elles, ce mot, dans ledit verset et selon la norme légale, signifie "les butins de guerre" et rien d'autre.

Cette acception a pour origine différents facteurs dont le plus important est sans doute la nature de cette législation et ses liens étroits avec les circonstances créées par le décès du Saint Prophète (le différend sur son successeur). En effet, il faut noter que cette législation n'est pas une simple législation morale ou personnelle, mais stipule que 20% de ce que tout Musulman acquiert revient obligatoirement, comme ordonne le Verset du Khoms, aux Ahl-ul-Bayt, lesquels constituaient une force d'opposition aux courants dominants de l'époque et surtout au pouvoir.

Or une opposition avec un tel "trésor de guerre" ou un tel pouvoir financier aurait constitué un danger mortel pour le pouvoir officiel et les courants socio-politiques dominants. Il fallait donc détourner absolument cette législation aux dépens de ses bénéficiaires légitimes. L'Imam Ali souligna cette vérité dans les termes suivants:

"C'est nous, par Allah, qu'Allah a désignés par l'expression "les proches parents"(14), en nous associant à Lui et à Son Prophète (comme ayants-droit du Khoms) lorsqu'IL a dit: "... appartient à Allah, à Son Prophète et aux proches parents..."(15), puisqu'IL ne nous a pas donné le droit à l'aumône, accordant à Son Prophète et à nous les Ahl-ul-Bayt l'honneur de ne pas être nourris avec les déchets des gens. Ils(16) ont renié le Livre d'Allah, qui nous désigne notre bon droit, et nous ont privés d'une obligation qu'Allah avait imposée (aux croyants) en notre faveur..."(17)

Il est à noter que le contournement de cette législation (le Khoms) a pris plusieurs formes. Ainsi, on a limité les domaines de l'obligation du Khoms aux "butins de guerre", et ne se contentant pas de cette mesure restrictive, on a privé les Ahl-ul-Bayt même du Khoms de ce domaine sous des prétextes fallacieux.

Et même lorsqu'on voulait bien leur reconnaître le droit au Khoms dudit domaine, on a essayé de réduire leur part à la portion congrue, puisque certains avaient tendance à interpréter l'expression "les proches parents" qui ont droit au Khoms comme désignant les Quraych, ou les Arabes ou même tous les Musulmans.

b- On sait que la formation des Ecoles juridiques est chronologiquement antérieure à la parution des dictionnaires en question.

c- On sait aussi que ces dictionnaires furent réalisés dans des conditions et circonstances loin d'être idéales pour une telle entreprise. Leurs auteurs ne s'étaient appuyés sur aucune expérience antérieure. Ils n'étaient pas conscients des exigences, des méthodes et des caractéristiques de la recherche linguistique.

L'une de ses exigences est sans doute la nécessité de rester indépendant des définitions et des influences partisanes des données doctrinales antérieures. De plus, le linguiste doit rester indépendant des doctrines quant au choix des sources et des moyens de démonstration, et conscient des influences et de la coloration littéraire, jurisprudentielle et philosophique, lorsqu'il cherche à définir un terme dans son sens étymologique (c'est-à-dire qu'il lui faut distinguer la dimension linguistique générale d'un mot et la signification particulière que pourrait lui conférer une science donnée lorsqu'elle l'emprunte).

Or, à l'époque où ces dictionnaires furent rédigés, les définitions et les concepts jurisprudentiels, philosophiques etc. avaient été suffisamment développés pour s'imposer comme l'une des sources de la définition linguistique. C'est pourquoi, on peut remarquer que ces dictionnaires présentent les dimensions philosophiques ou jurisprudentielles ( par exemple) que ce mot avait pu recevoir lorsqu'il devenait un terme technique d'une philosophie ou d'une science, mais sans distinguer le sens étymologique des autres significations.

Il y a ensuite le facteur doctrinal qui a joué un rôle important dans le glissement des concepts jurisprudentiels dans les définitions linguistiques, étant donné que les auteurs desdits dictionnaires étaient issus d'écoles juridiques spécifiques dont ils ont fait des emprunts, consciemment ou inconsciemment, lorsqu'ils procédaient à la présentation d'une définition linguistique.

On peut ajouter d'autres indications tendant à montrer qu'en vérité, l'expression "butins de guerre" n'est que le terme technique jurisprudentiel du mot "ghanîmah" (gain), glissé dans les dictionnaires et non le sens réel et étymologique de ce mot.

Ainsi, on peut remarquer que ces dictionnaires citent fréquemment des termes jurisprudentiels nouveaux (par rapport à l'arabe du pré-islam) tels que "Musulman", "mécréant", "fî' ", "ahl-ul-harb" etc...., et présentent le statut juridique de la "ghanîmah", ainsi que les règles de sa distribution entre les ayants-droit; bien plus, ils divergent entre eux pour refléter la divergence qui prévalait dans les milieux jurisprudentiels en ce qui concerne la définition du mot "ghanîmah" et le rapport entre ce mot et le mot "fî' ".

Une autre indication est le fait que ces dictionnaires ne citent aucun vers ni aucun texte de prose arabes, comme ils le font d'habitude à l'appui de la définition qu'ils donnent à un mot arabe, se contentant de citer seulement le verset de Khoms pour définir le mot "ghanîmah", ce qui confirme l'influence de la jurisprudence qu'ils avaient subie.

Ce qui précède incite à conclure avec évidence que la seconde définition du mot "ghanîmah" n'est que le reflet du concept jurisprudentiel et ne constitue pas une définition linguistique, étant donné que ce sont les encyclopédies de la jurisprudence et de l'exégèse - et non les données linguistiques - qui forment les sources dont les dictionnaires ont tiré leur définition.

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