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mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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Votre Dieu Est Un Dieu Unique

«Votre Dieu est un Dieu Unique...» * * * *



Nous avons traité de l'un des aspects du vaste et profond contenu de l'unicité. Il ressort clairement de ce rapide exposé que l'unicité n'est pas une vision philosophique, intellectuelle, non pratique, coupée de la vie et du mouvement des groupes humains et de l'activité de l'individu. L'unicité ne se contente pas de remplacer une croyance par une autre croyance, mais consiste d'une part en une vision générale de la vie, comprenant une conception particulière de l'univers et de l'homme, de la place de celui-ci parmi les phénomènes de l'univers, de sa position dans l'histoire, de ses possibilités, de ses besoins et de ses exigences personnelles, ainsi que de ses tendances et des étapes de sa sublimation et de sa perfection; et, d'autre part, en un programme social global adapté à la nature humaine et dans le cadre duquel l'être humain peut gravir rapidement et facilement les échelons de la perfection. C'est une thèse particulière sur la société dans laquelle les lignes générales et fondamentales de la structure sociale sont clairement définies.

Pour cette raison, lorsqu'une voix s'élève dans les sociétés jahilites (1) (fondées sur l'ignorance de la vérité de l'homme) et les sociétés tyranniques (fondées sur l'hostilité à l'égard des véritables valeurs humaines), un changement global s'y opère qui éclaire les coeurs ténébreux, ressuscite les âmes inertes, suscite un frisson dans le corps social inactif, réorganise les affaires désordonnées et contradictoires. L'unicité opère un changement dans le contenu psychologique de la société, dans les établissements économiques et sociaux, dans ses valeurs morales et humaines. En un mot, l'unicité s'attaque à la situation jahilite en vigueur et aux autorités qui protègent cette situation et à l'atmosphère qui oxygène cette situation et la fait survivre.

 

L'unicité n'est donc pas seulement une thèse relative à une question purement théorique à cadre pratique restreint, mais c'est aussi et surtout une nouvelle voie ouverte à l'homme et visant à lui présenter un autre style de travail et de vie, tout en se fondant sur une analyse intellectuelle et théorique.

Partant de cette conception du contenu de l'unicité, nous croyons que celle-ci forme la pierre angulaire de la citadelle religieuse, son fondement et son contenu essentiel. Comprendre l'unicité comme une vision métaphysique, ou au mieux comme une thèse morale..., c'est la placer très en-dessous de l'idéologie islamique vivante qui comporte une thèse intégrale sur la vie sociale.

Il y eut, tout au long de l'histoire, des individus qui, tout en croyant en Dieu et à l'unicité, ignoraient ou faisaient semblant d'ignorer le contenu concret et pratique, - social notamment -, de cette doctrine (de l'unicité). De tels individus se sont habitués à vivre à toute époque, partout et dans toutes les circonstances, de telle sorte que l'on ne peut les distinguer de ceux qui ne croient pas à l'unicité; c'est-à-dire que la doctrine de l'unicité ne suscite pas en eux un sentiment d'opposition à la situation non unicitaire en vigueur et qu'ils ne sentent pas le poids du polythéisme qui pèse lourd sur leur société.

A l'aube de l'Islam, il y avait un groupe de hanafites(2) qui vivaient à la Mecque, centre de l'idolâtrie et grande capitale des idoles à l'époque. Pourtant leur présence ne laissait aucune influence sur l'atmosphère intellectuelle et sociale de cette ville. La raison en est que leur conception de l'unicité ne dépassait pas leurs coeurs, leurs esprits et le cadre de leur vie privée et ne s'étendait guère aux labyrinthes jahilites, ni n'avait le moindre effet sur la vie désolante qu'on y menait. Ces hanafites vivaient avec les autres sur un même terrain et menaient le mode de vie des autres, sans que cela les ait gênés. Cette conception intellectuelle de l'unicité se caractérise justement par l'apathie et la marginalisation, sociale notamment. Dans de telles circonstances, l'Islam a lancé sa conception du monothéisme, comme une doctrine engagée, une organisation de la vie et une nouvelle thèse sociale. Il a présenté son identité comme un appel au changement radical à tous ses interlocuteurs, croyants ou infidèles. Tous ceux qui avaient entendu l'appel islamique ont compris qu'il s'agissait d'un système social, économique et politique nouveau, absolument incompatible avec le système établi à l'époque et visant à enrayer et à remplacer celui-ci.

Attirés par cette nouvelle thèse, les gens ont répondu avec enthousiasme et ardeur à l'appel islamique. En revanche, agacés par elle, les adversaires et les athées se sont mobilisés pour manifester avec violence et sauvagement leur hostilité, sans cesse croissante, à son égard.

Cette vérité historique peut constituer partout et à toutes les époques, un critère de la véracité ou de la fausseté de la prétention au monothéisme. Il est difficile en effet de croire au monothéisme des gens comme les monothéistes de la Mecque pré-islamique.

Le monothéisme conciliant, le monothéisme qui courtise tous ceux qui sont imposés comme associés de Dieu, - c'est-à-dire les faux dieux -, le monothéisme qui se contente de se présenter comme une hypothèse intellectuelle, ce monothéisme-là n'est qu'une copie déformée du monothéisme des Prophètes.

A travers cette vision saine de la religion, s'explique la raison de la propagation de l'Islam aux époques du progrès et de son recul, de sa défaillance et de sa dégradation à celles du sous-développement.

L'Islam du Prophète Muhammad présentait le monothéisme aux gens comme une voie et une pratique; celui des époques ultérieures l'a présenté comme une théorie qui suscite des discussions et des débats dans les réunions et les rassemblements. Dans le premier cas, il s'agissait d'une nouvelle conception du monde et d'une nouvelle théorie du mouvement de la vie; dans le second cas, il s'agissait de discussions creuses sur des questions secondaires dépourvues de tout intérêt vital.
Dans le premier cas, l'unicité constituait l'ossature du système en place et l'axe de toutes les relations sociales, économiques et politiques, alors que, dans le second cas, elle représentait un beau tableau d'art accroché dans un salon et servant d'ornement. Que peut-on espérer d'un tel objet de luxe?! * * * * * *

De ce qui précède, il ressort que le monothéisme, sur le plan pratique, est une thèse sociale, un programme de vie et la base d'un système que l'Islam a adapté à la nature de l'homme, à son développement et à son aspiration à la transcendance; et que, sur le plan théorique, il constitue la base intellectuelle et philosophique de ce système.

Ayant terminé ces quelques préambules, nous pouvons à présent revenir en arrière pour étudier ce que nous avons soulevé au début de cette recherche, à savoir le combat du monothéisme contre toutes les formes de la domination sociale.

Nous avons dit que les premières oppositions auxquelles s'est heurté l'appel au monothéisme étaient le fait des catégories puissantes et dominantes de la société. Cela prouve que la devise "Point de divinité si ce n'est Dieu" était dirigée avant tout contre cette catégorie puissante et dominante ou, selon l'expression coranique, la catégorie des "mustakbirine" (les orgueilleux, les hautains, les dominateurs).

Nous avons dit également que, tout au long de l'histoire, les appels monothéistes prenaient une position claire contre les mustakbirine. C'est pourquoi la société se divisait toujours en deux catégories opposées:

- la catégorie des opposants, formée des mustakbirine;

- et celle des fidèles, composée des mustadhifine (les déshérités, les dépossédés, les défavorisés)

Nous avons dit enfin que c'est la réaction de ces deux catégories à l'égard du Message monothéiste qui nous permet de distinguer le vrai et l'authentique monothéisme du faux monothéisme. C'est dire que, lorsque le monothéisme affiche sa conception originelle et authentique, il se heurte inévitablement à l'hostilité et à la réaction négative des mustakbirine.

Maintenant, il nous faut examiner les dimensions du monothéisme pour voir laquelle d'entre elles s'oppose directement aux intérêts de la classe des mustakbirine et menace son existence. En d'autre terme, nous devons comprendre cet aspect du monothéisme qui provoque les mustakbirine et les pousse à recourir à la confrontation violente. Pour ce faire, il faut comprendre tout d'abord la personnalité du "mustakbir" (le hautain, l'orgueilleux) telle qu'elle est analysée dans le Noble Coran.

En effet, le Coran met en scène cette personnalité dans quarante endroits. Il nous parle de ses caractéristiques psychologiques, de sa position sociale, de ses objectifs, de ses convoitises expansionnistes et accapareuses.

Globalement, le Coran met en évidence les traits suivants du "mustakbir":

1- Celui-ci refuse de concevoir Dieu selon l'expression: "Point de divinité, si ce n'est Dieu" (c'est-à-dire la limitation du pouvoir et de la propriété absolue à Dieu seul), bien qu'il ne refuse pas Dieu en tant que vérité spéculative et honorifique à cadre limité:

«Quand on leur disait: "il n'y a pas de divinité que Dieu", ils s'enorgueillissaient...»

                                                                (Ceux qui sont placés en Rangs <Al-Çâffât>, 37: 35)

«...Ils se sont injustement enorgueillis sur la terre. Ils ont dit: "Qui donc sera plus redoutable que nous par sa force?».
                                                                    (Les Versets clairement exposés <Fuççilat>, 41:15)

«Quand on lui récite nos Versets, il se détourne avec orgueil, comme s'il ne les entendait pas, comme si ses oreilles étaient frappées de surdité. Annonce-lui la nouvelle d'un châtiment douloureux.»
(Luqmân, 31: 7)

2- Il prend l'attitude de renégat et de contradicteur à l'égard de l'appel au changement et à la libération lancé par le Prophète et y fait face, sous prétexte qu'il est plus capable que d'autres de connaître le bon chemin et que Dieu doit s'adresser à lui directement:

«Les incrédules ont dit aux croyants: "Si ceci était un bien, ce n'est pas eux, c'est nous qui y aurions cru les premiers.»
                                                                                                                    (Al- Ahqâf, 46: 11)

«Ils disent, lorsqu'un signe leur parvient: "Nous ne croirons pas tant que nous ne recevrons pas un don semblable à celui qui a été accordé aux Prophètes de Dieu.»
(Les Troupeaux <al-An`âm>, 6: 124)

3- Il accuse le prétendant à l'appel de vouloir être porté à la notoriété et à la célébrité; et il invoque les traditions révolues du système établi et dominant pour endiguer la diffusion de l'appel dans la société.

«Ils dirent: "Es-tu venu à nous pour nous détourner de ce que nous avons trouvé chez nos pères, et pour que la puissance terrestre appartienne à vous deux? Nous ne croyons pas en vous!»
(Jonas <Younis>, 10: 78)

4- Il recourt à la force, à la falsification et à toutes sortes de tromperie et de duperie pour maintenir les gens sous sa domination et son joug et pour les pousser à affronter tout appel de libération:

«Ils diront encore: "Notre Seigneur! Nous avons obéi à nos chefs, à nos grands et ils nous ont écartés de la voie droite".»
(Les Factions <al-Ahzâb>, 33: 67)

«...les faibles diront aux orgueilleux: "Nous vous avons suivis; pouvez-vous maintenant nous préserver d'une partie de ce Feu?"»
                                                                        (Celui qui pardonne <al-Mo'min, Ghâfir>, 40: 47)

«Les chefs du peuple de Pharaon dirent: "Celui-ci est un savant magicien et il veut vous chasser de votre pays; que prescrivez-vous?"»
                                                                                                                (Al-A`râf, 7: 109-110)

5- Et enfin, il soumet le Prophète et ses adeptes révoltés contre le régime régnant et le courant idéologique en vigueur aux attaques les plus sévères et à toutes sortes de torture, de supplice et de répression:

«Les hommes de Ukhdoud ont été tués. Le feu était sans cesse alimenté, tandis que les gens se tenaient assis autour, témoins de ce que subissaient les croyants.»
(Les Constellations <al-Borouj>, 85: 4-7)

«Pharaon dit: "Laissez-moi tuer Moïse! Qu'il n'altère votre religion et qu'il ne sème la corruption sur la terre."»
                                                                        (Celui qui pardonne <Ghâfer, al-Mo'min>,40: 26)

Tels sont, brièvement, les traits des "mustakbirine", selon le Noble Coran. Dans d'autres endroits, le Coran ne se contente plus de brosser le portrait, mais désigne du doigt les grandes figures historiques des mustakbirine:

«Nous avons ensuite envoyé avec Nos Signes, Moïse et Aaron à Pharaon et à ses conseillers; mais ceux-ci s'enflèrent d'orgueil...»
(Jonas <Younis>, 10: 75)

«De même pour Coré, Pharaon et Haman: Moïse leur avait apporté des preuves décisives, mais ils s'enorgueillirent sur la terre...»
                                                                                        (L'Araignée <al-`Ankabout>, 29: 39)

Pharaon est notoirement connu; Hâmân est son conseiller particulier et la première personnalité de son entourage. "Les conseillers de Pharaon" sont les notables de son entourage. Ils le suivaient, l'aidaient et le conseillaient (voir le Verset 126, Sourate Al-A`râf). Quant à Coré (Qâroun), il est connu pour ses fortunes fabuleuses et ses trésors "dont les seules clés semblaient lourdes à une troupe d'hommes robustes" (Le Récit <al-Qiçaç>, 28: 76).
En examinant les dizaines de versets coraniques relatifs à "l'istikbar" (l'orgueil, l'hégé-monisme, la dominance), il ressort que le "mustakbir" (l'orgueilleux...) est: la catégorie domi-nante de la société jahilite qui tient les rênes du pouvoir politique et économique sans mérite, qui détient également - par souci de perpétuer son exploitation et sa domination - la direction de la pensée et des croyances, qui oeuvre par divers moyens en vue de forger chez les masses un esprit de soumission et de résignation à son ordre établi. Ce "mustakbir" qui s'apprête toujours à combattre la moindre tentative de réveiller la conscience afin de préserver ses intérêts et maintenir son existence, que ne fera-t-il pas pour contrer un appel au changement radical.

* * * * *


Revenons maintenant à notre sujet essentiel: Comment les Prophètes ont-ils présenté la doctrine de l'unicité?

La réponse à cette question met en relief les points qui provoquent dans cette doctrine la susceptibilité du "mustakbir", la raison de sa susceptibilité et de son incapacité à supporter la foi de l'unicité lorsqu'elle est présentée de cette manière (celle des prophètes). Par ailleurs, elle nous explique l'importance de l'unicité en sa qualité de base essentielle sur laquelle se fonde le Message.

On sait que la profession de foi de l'unicité est le premier appel qu'un prophète lance à sa communauté. Ainsi, le Prophète-Sceau a lancé, à la Mecque, la devise: «Dites: point de divinité, si ce n'est Dieu, vous serez heureux». Le Coran rapporte l'appel lancé par de nobles prophètes tels que Noé, Houd, Çâlih, Chu`aïb à leurs peuples respectifs. Cet appel était axé sur l'unicité.

«O mon peuple! Adorez Dieu! Il n'y a pas, pour vous, d'autre Dieu que Lui».
(Al-A`râf, 7:59)

Cet appel est fondé essentiellement sur le refus de toute servitude autre que celle requise enversde Dieu. A travers lui, le Prophète incite les ignorants et les inconscients, plongés jusqu'au cou dans les boues du régime jahilite tyrannique, à cesser d'être des serviteurs de tout autre que Dieu. Cela signifie qu'il commence son appel par une déclaration de guerre contre tous ceux qui se substituent à Dieu.

Qui sont ces prétendants à la divinité dans la société? Que signifie: "déclarer la guerre à la fausse divinité?". Quelle situation l'appel vise-t-il à instaurer dans la société?

L'expression: "les prétendants à la divinité" laisse penser généralement à ceux qui se sont présentés comme "Dieu", c'est-à-dire ceux qui ont prétendu au pouvoir surnaturel auquel l'humanité a toujours cru d'une façon ou d'une autre. Mais c'est là une appréhension simpliste de cette expression.

Certes, l'histoire a connu des criminels de petite envergure qui ont exploité leur puissance politique et sociale pour laisser croire à des gens de moindre envergure qu'eux, qu'ils étaient "dieux" au sens précité ou qu'ils portaient en eux un aspect de l'esprit divin. Mais, lorsque nous étudions le sens large des termes de "servitude", "seigneurie", "divinité", utilisés dans le Coran, nous constaterons que le champ de la signification de l'expression "prétendants à la divinité" est beaucoup plus étendu qu'il ne le paraît.

Le concept de "servitude", tel qu'il est utilisé dans le Coran, signifie la soumission et l'obéissance absolue à un homme ou à tout autre être. C'est dire que lorsque nous nous soumettons aveuglément à un individu et que nous agissons selon ses désirs, ses caprices et ses directives, nous devenons ses serviteurs. De même, toute force qui parvient à nous soumettre à elle, à dominer notre corps et notre esprit, à se servir de nos énergies à sa guise, nous asservit. Peu importe que cette force se trouve à l'intérieur de nous-mêmes ou dans le milieu qui nous entoure. Voici quelques exemple coraniques de cette utilisation (l'utilisation du terme "servitude" au sens de soumission et d'obéissance à un homme ou à tout être).

-Au début de son appel, Moïse s'adresse au Pharaon et lui dit:

"Est-ce là le bienfait que tu me reproches alors que tu gardes les fils d'Israël en esclavage?"

(Les Poètes <al-Cho`arâ'>, 26: 22)

-Pharaon et ses courtisans s'adressent les uns aux autres et se demandent:

«Allons-nous croire en deux mortels comme nous, alors que leur peuple nous sert d'esclaves?»

(Les Croyants <al-Mo'minoun>, 23: 47)

-Abraham s'adresse à son père et lui dit:

«O mon père! N'adore pas le Démon; le Démon est rebelle envers le Miséricordieux»
(Marie <Maryam>, 19: 44)

-Dieu s'adresse à l'humanité):

«O fils d'Adam! Ne vous ai-Je pas engagés à ne pas adorer le Démon - il est votre ennemi déclaré».
(Yâ Sîn, 36: 60)-Dieu à Ses bons serviteurs:

«Il y a une bonne nouvelle adressée à ceux qui se sont écartés des Tâghout en refusant de les adorer et qui reviennent à Dieu».
(Les Groupes <al-Zomar>, 39: 17)

-Dieu dit, à propos de ceux qui reprochent aux croyants leur croyance):

«Dieu a transformé en singes et en porcs ceux contre lesquels Il est courroucé et ceux qui ont adoré les Tâghout. Voilà ceux qui se trouvent dans la pire des situations: ils sont les plus profondément égarés hors de la voie droite».
(La Table Servie <al-Mâ'idah>, 5: 60)

Dans ces versets, le mot "servitude" exprime la soumission à Pharaon et à ses courtisans, au Tâghout (tyran) et à Satan. Lorsqu'on étudie tous les versets du Coran relatifs à ce sujet, on tire la conclusion que la "servitude", selon la concep-tion coranique, signifie: la soumission, la subordi-nation et l'obéissance absolue, - volontaires ou involon-taires, avec ou sans un sentiment de vénération et de reconnaissance morale -, à une puissance réelle et fictive. C'est cette puissance qui est "l'idole", et c'est l'obéissant qui est "l'esclave" ou le serviteur".

A la lumière du cadre des concepts précités, il ressort que les vocables "divinité" et "dieux" constituent une autre expression du mot: "idole".

La société jahilite déviée est divisée en deux classes: la classe des mustakbirine et celle des mustadh`afine, c'est-à-dire en une classe dominante et aisée qui détient tous les pouvoirs et une classe délaissée, asservie et déshéritée. L'aspect le plus saillant de la fausse divinité et de la servitude est ce rapport d'inégalité entre les deux classes. Il est absurde de trop chercher ce qu'il y aurait derrière un être sacré, humain, animal ou inorganique, lorsqu'on traite des dieux des sociétés jahilites à travers l'histoire. Car la manifestation la plus évidente d'un telle idole ou divinité, c'est cette catégorie d'individus qui, en raison de ses liens particuliers avec la classe des "mustakbirine", oeuvre en vue de soumettre les masses des mustadh`afine et de les conduire à servir les intérêts et l'avidité de ses commanditaires.

La vraie "religion" dans de telles sociétés, c'est le "polythéisme". Car la divinité y est aussi multiple que les centres d'influence dominants qui entraînent les gens dans leurs sillages.

Le polythéisme, c'est diviniser des individus à côté ou à la place de Dieu ou, en d'autres termes, c'est confier les questions de la vie à autre que Dieu, c'est se soumettre à une autre puissance que Dieu, c'est se fier, au moment du besoin, à cette autre puissance et suivre sa direction.

Le monothéisme se situe à un point diamét-ralement opposé au polythéisme: il récuse toutes ces fausses divinités, refuse de s'y soumettre, résiste à leur domination, immunise les coeurs contre leur charlatanisme, appelle à leur éradica-tion, et fait se rattacher l'homme, corps et âme, à Dieu.

Le premier slogan lancé par les envoyés de Dieu, c'était justement ce refus-là (des fausses divinités) et cette soumission-là (à Dieu):

«Oui, Nous avons envoyé un prophète à chaque communauté: "Adorez Dieu! Fuyez les Tâghout!".»
                                                                                        (Les Abeilles <al-Nihal>, 16: 36)

«Nous n'avons envoyé aucun prophète avant toi sans lui révéler: "Il n'y a de Dieu que Moi; Adorez-Moi!"
                                                                                            (Les Prophètes <al-Anbiyâ'>, 21: 25)

Les prophètes ont donc annoncé la fin de l'ère jahilite corrompue et dégradée en lançant leur slogan qui leur a servi du même coup à appeler à lutter avec acharnement contre les tyrans, les bafoueurs des valeurs humaines authentiques et les tenants de fausses valeurs qui servent l'injustice et les injustes.

Le refus du polythéisme, c'est en fait le refus de toutes les entités sociales, politiques et économiques qui composent la société jahilite et qui adoptent la doctrine polythéiste pour, à la fois, dissimuler et justifier la situation de cette société.

Le refus de la fausse divinité signifie la répudiation de tous ceux qui s'étaient appliqués à déposséder les masses et à les exploiter par la force pour rassasier leurs désirs indomptables.

C'est bien par ce slogan que Moïse a déclaré la guerre à Pharaon... Oui, Pharaon et sa suite parlaient du refus de Moïse de leur divinité traditionnelle:

«Les chefs du peuple de Pharaon dirent: "Laisserez-vous Moïse et son peuple corrompre la terre et te délaisser, toi et tes divinités?»
                                                                                                                    (Al-A`râf, 7: 127)

Mais Pharaon et ses semblables savaient bien que cette "divinité"-là, c'est-à-dire les idoles inertes, ne servait qu'à couvrir et à justifier la divinité de Pharaon et de sa suite. L'idole inerte justifiait en fait la divinisation des idoles vivantes. Il était donc logique que Pharaon ait réagi négativement à l'appel de Moïse à l'adoration de Dieu Un et Unique, Créateur des Cieux et de la Terre, et l'ait menacé, - ainsi que ses adeptes -de mort et de torture:

«Pharaon dit: "Si tu adoptes un autre dieu que moi, je te ferai mettre en prison".»
(Les Poètes <al-Cho`arâ'>, 26: 29)

«Il répondit: "Nous tuerons leurs fils, nous laisserons vivre leurs filles et nous les dominerons!"»
(Al-A`râf, 7: 127)

«Je vous ferai couper la main droite et le pied gauche, puis je vous ferai tous crucifier".»
(Al-A`râf, 7: 124)

Ce refus obstiné du nom de "Dieu" et de l'appel à l'unicité s'explique par le fait que cet appel ne signifie autre chose que:

- la croyance au pouvoir exclusif de Dieu sur la vie;

- le refus de la fausse divinité;

- l'attachement à Dieu l'unique et le brisement des chaînes des autres servitudes.
Tels sont l'esprit de l'unicité et ses dimensions constructives bien vivantes.   Que la Paix, la Miséricorde et les Bénédictions de Dieu soient sur vous. *****************************************************************

NOTES

1. préislamique et, par extension, tout ce qui n'est pas islamique.

2. Monothéistes, adeptes de la religion d'Abraham.

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