Mar07162024

mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

Back Vous êtes ici : Accueil Bibliothèque Général Les Repères Des Deux Ecoles 2)- L'Ijtihâd d'Abû Bakr

2)- L'Ijtihâd d'Abû Bakr

2)- L'Ijtihâd d'Abû Bakr



On lui a reproché d'avoir brûlé vif Al-Fujâ'ah As-Sulamîy, l'homme qui s'était présenté en Musulman devant le calife pour lui demander de lui permettre de combattre les apostats, à la tête d'un escadron armé. Au lieu de servir la cause de la Communauté, il utilisa son autorité pour s'emparer des biens d'autrui en tuant indistinctement Musulmans et non-Musulmans. Quand le calife eut pris connaissance de ses agissements il envoya Tarîfah b. Hâjr, l'un de ses lieutenants pour le tuer ou le capturer. Vaincu, il s'est rendu. Le calife ordonna à Tarîfah de faire du feu à Al-Baqî' et d'y jeter le coupable. Par après, Abû Bakr regretta son acte et dit avant de mourir: «J'aurais aimé ne pas commettre ces trois choses: avoir découvert la maison de Fatima eût-elle été un lieu de guerre; avoir brûlé Al-Fujâ'ah au lieu de le tuer ou de le libérer, avoir reçu l'allégeance le Jour de la Saqîfah au lieu de m'en débarrasser au profit de l'un des deux hommes ('Umar et Abû 'Ubaydah)»(365).

On a reproché à Abû Bakr d'avoir brûlé Al-Fujâ'ah alors que le texte relatif à la sanction adéquate se trouve dans le Coran:

«Telle sera la rétribution de ceux qui font la guerre contre Allah et contre Son Messager et de ceux qui exercent la violence sur la terre: ils seront tués ou crucifiés, ou bien leur main droite et leur pied gauche seront coupés ou bien ils seront expulsés du pays». (V. 33/V)

Dans la sunnah, il est défendu de punir par le feu: «Ne punit par le feu que le Seigneur du feu», dans plusieurs récits similaires. (366)

 

Les hadîths suivants comportent la sanction qu'on doit infliger à l'apostat:

- Que celui qui change sa religion soit tué».

- Il n'est pas licite de verser le sang d'un Musulman qui a attesté qu'il n'y a d'autres divinités qu'Allah, que Muhammad est Son Messager, à moins qu'il commette l'un de ces trois actes: la fornication après le mariage, (il sera alors lapidé), la rébellion contre Allah et Son Messager (il sera alors tué, crucifié ou exilé) ou le meurtre (la loi du talion lui sera alors appliquée) (367)

La violation de ces textes par Abû Bakr fut, malgré tout, excusée et interprétée par les savants (de l'Ecole des califes) comme ayant été une erreur d'Ijtihâd.

On lui reproche aussi son ignorance d'Al-Kalâlah (le défunt qui n'a ni ascendant ni descendant comme héritier) alors que cela se trouve dans le Coran:

«Quand un homme ou une femme

N'ayant ni parents ni enfants, laisse un héritage; s'il a un frère ou une sur (utérins); le sixième en reviendra à chacun d'eux. S'ils sont plusieurs: ils se répartiront le tiers de l'héritage, après que ses legs ou ses dettes auront été acquittés...» (V. 12/IV)

«... Dis, Allah vous donne des instructions au sujet de la parenté éloignée:

Si quelqu'un meurt sans laisser d'enfants mais seulement une sur (germaine ou consanguine), la moitié de sa succession reviendra à celle-ci

Un homme hérite de sa sur si celle-ci n'a pas d'enfants

S'il a deux surs, les deux tiers de la succession leur reviendront

S'il laisse des frères et des surs (germains ou consanguines), une part égale à celle de deux femmes revient à un homme ...». (V. 176/IV).

Abû Bakr hésitait beaucoup à statuer dans une question d'héritage, en cas de Kalâlah (parenté éloignée).(368)

Il ignorait aussi la part de l'héritage qui revient à la grand-mère:

«A une grand-mère qui demanda sa part d'un héritage, Abû Bakr dit: «tu n'as rien d'après le Livre d'Allah; quant à la sunnah du Messager d'Allah (SAW), je demanderai aux gens, Al-Mughîrah b. Shu'bah lui dit: «J'étais présent quand le Prophète a accordé le sixième de l'héritage à la grand-mère». «Y a-t-il un autre témoin que toi?», demanda Abû Bakr. Quand M.b. Maslamah al-Ançârî eut donné le même témoignage, Abû Bakr accorda le sixième à la grand-mère ...».(369)

Dans d'autres circonstances, deux grands-mères, maternelle et paternelle, lui demandèrent leur part d'un héritage. Il donna alors toute la part (le sixième) à la grand-mère maternelle. 'Abdur-Rahmân b. Sahl remarqua alors: «Ô calife du Messager d'Allah! Tu as donné à celle que le défunt n'aurait pas hérité, si elle avait été, elle, la défunte! Alors, le calife partagea le sixième entre les deux grands-mères».(370)

La bévue du calife concernant l'assassinat de Mâlik b. Nuwayrah par Khâlid b. al-Walîd est très célèbre:

Mâlik b. Nuwayrah, Compagnon et gouverneur du Messager (SAW) et appartenant à la tribu de Tamîm ne se rallia pas à la cause d'Abû Bakr. Pendant la nuit, l'armée de Khâlid b. al-Walîd les envahit. Ils prirent alors leurs armes. Les envahisseurs leur disent: «Nous sommes des musulmans». Les compagnons de Mâlik dirent: «Et nous sommes des musulmans». Les guerriers de Khâlid leur dirent: «Si vous êtes comme vous dites, déposez alors les armes». Ils les déposèrent et firent ensuite la prière (commune) avec les guerriers de Khâlid. Par après ceux-ci les capturèrent et les conduisirent devant Khâlid b. al-Walîd qui ordonna de couper la tête à Mâlik. Celui-ci regarda vers son épouse - qui était très belle - et dit à Khâlid: «C'est celle-ci qui m'a tué» (c'est à cause d'elle que je vais être exécuté). Khâlid lui dit: «C'est Allah Qui te tue à cause de ton reniement de l'Islam». Mâlik dit: «Nous sommes dans l'Islam (toujours Musulmans)». Après qu'on l'a tué, Khâlid ordonna de se servir de sa tête comme trépied à leur marmite. Pendant cette nuit même et avant que Mâlik ne fût enterré, Khâlid épousa sa veuve(371) (sans attendre l'écoulement Shar'î de la retraite légale exigée par le St Coran, abstraction faite des circonstances de l'affaire).

Sous prétexte de combattre les apostats, Khâlid tua Mâlik b. Nuwayrah qui n'en était pas un, épousa sa femme, la nuit même du meurtre.

'Umar dit alors à Abî Bakr: «Certes Khâlid a commis l'adultère, lapide-le!

- Non, répondit Abû Bakr, il s'est trompé dans son interprétation.

- Démis-le alors de son poste!

- Non, je ne peux rengainer une épée tirée par Allah!, répondit-il.

Ainsi Khâlid a fait de l'Ijtihâd en emprisonnant un musulman qui pria avec lui, puis le tua par Ijtihâd aussi, il fit encore une interprétation concernant la femme de Mâlik et l'épousa par Ijtihâd la nuit même de l'assassinat de son mari.

A son tour, Abû Bakr fit une interprétation pour dispenser Khâlid de l'application de la loi du talion puis fit une autre interprétation pour le faire échapper à la peine de la lapidation. Les deux Compagnons ont fait de l'Ijtihâd et, tout en se trompant, eurent droit à une rétribution divine. 'Umar qui ne s'est pas trompé dans son Ijtihâd concernant la même affaire eut droit à une double rétribution. Quant à la victime, Mâlik b. Nuwayrah, le Compagnon du Messager d'Allah et son délégué, il n'eut droit à rien.

Vous n’avez pas le droit de laisser des commentaires