Mar07162024

mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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Le patrimoine du Prophète et la plainte de Fâtimah

Le patrimoine du Prophète et la plainte de Fâtimah


D'un coup, les deux califes Abû Bakr et 'Umar (r. d.) se sont emparés du patrimoine de ce qu'il avait donné à ses Compagnons à l'exception de Fadak, la part de Fatima et des autres possessions du Prophète (SAW). D'où la discorde née entre Fâtimah et les deux califes comme le relatent plusieurs récits:

'Umar raconte: Après la mort du Prophète (SAW), nous sommes allés, Abû Bakr et moi, chez 'Ali et lui demandâmes:

- Que dis-tu au sujet du patrimoine du Messager d'Allah?

- Nous sommes les plus dignes du Messager d'Allah (SAW).

- Et ce qu'il possède à Khaybar?

- Aussi, répondit 'Ali.

- Et ce qu'il possède à Fadak ?

- Aussi.

- Non, par Allah, dis-je à moins que vous nous coupiez les nuques par les scies! (382)

 

La dispute entre eux et Fâtimah portait sur trois questions:

Le don du Prophète (SAW) qu'il lui avait fait.

L'héritage du Prophète

La part du Proche parent.

1- Elle leur demanda la restitution du don prophétique


D'après Futuh al-Buldân (1/34-35), Fâtimah demanda à Abû Bakr de lui restituer Fadak que le Prophète (SAW) lui avait donné de son vivant. Il lui demanda alors d'en apporter la preuve. Elle cita comme témoins Um Ayman et Rabâh, un mawlâ du Prophète (SAW). Mais Abû Bakr dit: «Ici, il faut le témoignage d'un homme et de deux femmes».

Dans une autre version: c'était 'Ali (a. s.) son témoin. Mais Abû Bakr lui demanda un deuxième témoin. Elle cita alors Um Ayman. Après cette controverse au sujet de Fadak et le refus du témoignage présenté par Fâtimah, celle-ci demanda sa part de l'héritage prophétique.

2- La controverse au sujet de l'héritage du Prophète (SAW)

a- Abût-Tufayl rapporte: «Après la mort du Messager (SAW), Fâtimah demanda à Abû Bakr:

- C'est toi qui hérites du Prophète ou sa famille?

- C'est sa famille!, répondit-il.

- Et où est ma part du Messager d'Allah?

- Je l'ai entendu dire: Allah, après avoir donné un bien à un prophète, le met à la disposition de son successeur après sa mort. J'ai donc rendu cette part aux Musulmans, répondit-il.

- Toi, seul tu sais mieux ce que tu as entendu du Messager.(383)

b- Le récit d'Abû Hurayrah: D'après At-Tirmidhî: Abû Hurayrah rapporte que «Fâtimah est allée voir Abû Bakr et 'Umar (r. d.) pour demander sa part de l'héritage légué par Le Messager d'Allah. Ils lui dirent alors: «Nous l'avons entendu dire: «je ne suis pas à être hérité». Elle leur dit alors: «Par Allah! Je ne vous adresserai jamais la parole!». Et elle est morte sans leur avoir parlé.(384)

D'autres versions du récit d'Abû Hurayrah.

c- Le récit de 'Umar : «... Mais Abû Bakr lui dit: ton père est, par Allah, meilleur que moi et toi meilleure que mes filles mais le Messager d'Allah a dit: «On (les prophètes) ne laisse pas d'héritier, nos biens seront donnés en Çadaqah».(385)

Ainsi, Abû Bakr priva Fâtimah de l'héritage de son père (SAW) par le biais d'un hadîth qu'il était le seul à rapporter:

«Nous, les prophètes, nous ne laissons pas d'héritier. Ce que nous laissons sera, après nous, donné en Çadaqah».

Ibn Abîl-Hadîd, suite à la mère des croyants Aïsha, dit dans son commentaire d'An-Nahj que «seul Abû Bakr rapporta le hadîth ci-dessus».(386)

La plupart des traditionnistes affirment que ce hadîth ne fut rapporté que par Abû Bakr. Les jurisconsultes, à leur tour, fondent le principe de l'acceptation du récit rapporté par un seul Compagnon, sur le fait que le hadîth selon lequel:

«Nous, les Prophètes, nous ne laissons pas d'héritier ...» ne fut rapporté que par Abû Bakr. (387)

As-Suyûtî affirma la même chose.(388)

L'auteur dit: «Malgré toutes ces affirmations, on fabriqua des récits rapportés par d'autres qu'Abû Bakr, à partir du Messager».(389)

3- La controverse relative à la part du Proche parent

Quand on eut privé Fâtimah de son héritage en vertu du hadîth rapporté par Abû Bakr, elle tenta de demander un autre droit, celui de sa part du Khums, celle du Proche parent.

Trois récits y afférents sont rapportés par Abû Bakr Al-Jawharî:

a)- Anas b. Malik rapporte que Fâtimah (r. d.) est allée voir Abû Bakr et lui dit:

«Tu sais très bien que tu as été injuste envers nous au sujet du patrimoine prophétique, du butin réparti par le Coran et de la part du Proche parent. «Sachez que, quel que soit le butin que vous preniez, le cinquième appartient à Allah, au Messager et à ses proches ...» (V. 41/VIII).

Abû Bakr lui dit alors:

- Par le père qui t'a engendrée, que mes parents soient sacrifiés pour toi (formules arabes de politesse), je suis tout ouïe, toute obéissance au Livre d'Allah et au droit du Messager d'Allah (SAW) et au droit de ses proches. Je lis certainement ce que tu lis du Coran mais il ne m'est pas parvenu que cette part du Khums, vous revient totalement.

- C'est toi avec tes proches qui y ont droit?

- Non, répondit-il, mais je vous en concède ce qui satisfait vos dépenses, et le reste sera consacré au service de l'intérêt général.

- Non! Ce n'est pas là le jugement d'Allah ...

b)- 'Urwah, rapporte qu'Abû Bakr refusa d'écouter Fâtimah au sujet de Fadak et de la part du Proche parent et en fit des biens publics. Al-Hassan b. M.b. 'Ali b. Abî Tâlib (a. s.) rapporte qu'Abû Bakr priva Fâtimah et Banî Hâshim de la part du Proche parent, les "nationalisa" dans la voie d'Allah (achat d'armes, de bêtes).(390)

c)- Ummu Hânî (d'après Kanzul-'Ummal) dit: «Fâtimah est allée voir Abû Bakr pour lui demander la part du Proche parent. En guise de réponse, il lui dit: «j'ai entendu le Messager d'Allah dire: "la part des proches parents leur revient durant ma vie et non après ma mort"».(391)

Certains récits racontent qu'Al-'Abbâs s'est associé à Fâtimah pour demander l'héritage du Messager (SAW). Une fois devant Abû Bakr, celui-ci leur dit:

- Le Messager d'Allah dit: nous ne sommes pas hérités; ce que nous laissons est Çadaqah, quant à ceux qui étaient à la charge du Prophète, je m'en charge.

- 'Ali (qui était présent) lui récita alors: «Salomon hérita de David». (V. 16/XXVII); «Il héritera de moi et de ma famille de Jacob». (V. 6/XIX)

- Abû Bakr dit alors: «C'est ainsi et par Allah! Tu sais ce que nous savons!

- 'Ali rétorqua: Voici le Livre d'Allah qui parle.

Mais ils se taisent et s'en vont. (392)

Nous constatons qu'il y a eu confusion de la part des narrateurs de ce récit parce qu'Al-'Abbâs et 'Ali n'ont pas été chez Abû Bakr pour demander leur part de l'héritage mais seulement pour assister Fâtimah. Peut-être Al-'Abbâs a-t-il demandé sa part du Khums mais cela échappa aux narrateurs.

Quand Fâtimah eut été éconduite par Abû Bakr qui avait refusé ses arguments et ses témoins au sujet du don prophétique et de l'héritage, elle prit la décision de déclarer cette controverse devant un groupe de Musulmans et de demander le soutien des Compagnons de son père (SAW). Comme le rapportent les traditionnistes et les historiens elle se dirigea vers la mosquée pour leur parler.

Selon Al-Jawharî rapporté par Abîl-Hadîd, «Quand Fâtimah eut compris qu'Abû Bakr était décidé à la priver de Fadak, elle mit son voile, porta sa djellabah, se fit accompagner de ses neveux et femmes de son entourage et, dans une allure qui rappelait celle du Prophète (SAW), se présenta devant Abû Bakr entouré d'un groupement d'al-Muhâjirîne et d'al- Ançar. On dressa entre elle et les hommes une couverture en guise de voile. Fâtimah poussa un long gémissement qui fit pleurer les gens présents à tel point que l'assemblée trembla un instant. Elle a attendu que leurs pleurs et leur tumulte s'apaisassent avant de leur dire (après avoir adressé louanges à Allah gloire à Lui et salué Son Messager (SAW)):

«Je suis Fâtimah fille de Muhammad; je vous rappelle ceci: «Un Messager, pris parmi vous, est venu à vous. Le mal que vous faites lui pèse; il est avide de votre bien. Il est bon et miséricordieux envers les Croyants». (V. 128/IX)

»Eh bien! Il est mon père et non le vôtre, le frère de mon cousin ('Ali) et non le vôtre» ... jusqu'à son propos suivant:

«Puis vous prétendez que nous n'avons pas droit à l'héritage: «Recherchent-ils le jugement de l'obscurantisme (la Jâhiliyyah)? Qui donc est meilleur juge qu'Allah envers un peuple qui croit fermement?». (V. 50/V)

»Ô Ibn Abî Quhâfah! Comment hérites-tu de ton père et m'empêches-tu d'hériter du mien? Tu as fais là une abomination; prends la donc vers toi toute prête à te rencontrer le Jour de la résurrection où l'Arbitre le meilleur sera Allah, le garant Muhammad (SAW); ce jour-là, les Tenants du Faux seront perdants».

Ensuite elle se tourna vers la tombe de son père (SAW) et dit quelques vers de poésie:

- Après toi des nouvelles et une énormité eurent lieu ..(393)

Le narrateur dit: «On n'a pas vu plu de pleureurs et de pleureuses qu'en ce jour-là». Ensuite elle se rendit à la mosquée d'al-Ançar où elle dit:

«Ô les membres de la Communauté religieuse, ô les premiers protecteurs de l'Islam! Pourquoi cette nonchalance envers le devoir de me soutenir et de m'aider? Pourquoi ce doute semé envers mon droit? Pourquoi cette somnolence devant l'injustice qui m'a été infligée? Le Messager d'Allah (SAW) n'a-t-il pas dit «on protège l'homme dans sa descendance»?

»Vous avez très vite changé! Est-ce parce que le Messager d'Allah est mort que vous avez fait mourir sa religion? Certes sa mort est un événement grave, un grand déchirement pour lequel on n'a pas de raccommodeur, une obscurité qui enveloppe la terre, fait trembler les montagnes, désenchante les espoirs, jette le Harem dans l'abandon et profane la dignité sacrée. Pourtant cet événement fut prédit par le Livre d'Allah avant la mort du Prophète, ajouta-t-elle: «Muhammad n'est qu'un Messager; des messagers ont vécu avant lui. Retourneriez-vous sur vos pas, s'il mourait ou s'il était tué? Celui qui retourne sur ses pas, ne nuit en rien à Allah. Mais Allah récompense ceux qui sont reconnaissants». (V. 144/III)

»Oh les Banî Qaylah (Al-Ançars), je me fais spolier l'héritage de mon père au vu et au su de ceux parmi vous (vous tous) qui en sont informés et qui ont entendu la voix alors que vous constituez encore la force et le nombre, le lieu et le bouclier, que vous étiez l'élite d'Allah, que vous avez affronté les Arabes, tenu tête aux épreuves les plus difficiles jusqu'à ce que le moulin de l'Islam ait bien tourné, que ses mamelles aient bien donné du lait et que la guerre menée par le polythéisme se soit éteinte au profit du système religieux! Reculez-vous après avoir avancé? Etes-vous après votre bravoure, devenus lâches devant des gens «qui ont violé leurs serments et attaqué votre religion, combattez alors les imams (les chefs) de l'infidélité. Ils ne respectent aucun serment. Peut-être cesseront-ils». (V. 12//IX)

»Je vois que vous tendez plutôt vers le bas, vers le repos, reniant ainsi ce que vous avez pourtant bien conçu «si vous êtes ingrats, vous et tous ceux qui sont sur la terre, sachez qu'Allah se suffit à Lui-même et qu'il est digne de louanges». (V. 8/XIV)

»Voilà, je viens de vous dire ce que j'avais à dire bien que j'aie été informée de l'abandon que vous avez mijoté et de la faiblesse de votre conviction, prenez la donc, cette médaille de la honte, cette monture du déshonneur qui conduit vers le feu allumé, d'Allah, qui dévore jusqu'aux entrailles. Ce que vous faites d'injustice Allah le sait parfaitement. «Les injustes connaîtront bientôt le destin vers lequel ils se retournent». (V. 227/XXVI)

Ibn Abîl-Hadîd dit que le récit de Fadak et la présence de Fâtimah, chez Abû Bakr eurent lieu dix jours après la mort du Messager (SAW). En fait après cet événement là, personne selon les narrations authentiques, ne souleva après Fâtimah, la question de l'héritage prophétique.(394)

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