Mar07162024

mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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Chapitre: 3 L'Attitude des deux Ecoles à l'égard du Droit islamique (al-Fiqh) et de l'Ijtihâd*

Chapitre: 3

 L'Attitude des deux Ecoles à l'égard

du Droit islamique (al-Fiqh) et

de l'Ijtihâd*



* (l'effort fourni par le jurisconsulte

pour déduire le décret divin, la loi)

 


1- L'évolution sémantique du terme Al-Ijtihâd dans l'Ecole des califes.

Les deux termes Ijtihâd et Mujtahid sont apparus après l'époque des Compagnons et des Tâbi'îne qui parlaient plutôt d'interprétation quand cela voulait dire une violation de leur part de la loi religieuse en vigueur. Ainsi par exemple, lorsque Khâlid b. al- Walîd eut tué Mâlik b. Nuwayrah, le gouverneur du Prophète (SAW), il se présenta devant le calife Abû Bakr et dit en guise d'excuse: «Ô successeur du Messager d'Allah! J'ai interprété; j'ai eu (un peu) raison, (un peu) tort ». De même, quand 'Umar eut dit à Abû Bakr: «Khâlid a commis le zinâ (la fornication); lapide-le », le calife lui dit: «je ne peux le lapider car comme il a interprété, il s'est trompé!».

Citons aussi le récit d'Az-Zuhrî à partir de 'Urwah citant 'Aïsha: la prière fut décrétée (d'abord) deux Rak'at; celle du voyageur est restée ainsi tandis que celle du résident fut complétée (par deux autres rak'at). Az-Zuhrî demanda à 'Urwah: «Mais pourquoi donc 'Aïsha en état de voyage parachève-t-elle la prière?». «Elle a interprété comme l'a fait 'Uthmân». (324)

 

A son tour, Ibn Hazm dit (dans Al-Fiçal): «'Ammâr (r. d.) fut tué par Abîl-Ghâdiyah. Sachant que 'Ammâr avait prêté serment d'allégeance au Prophète (SAW) qu'il avait donc assisté à l'allégeance de la satisfaction divine, qu'Allah connaissait le contenu de son cur, qu'IL a fait descendre sur lui la Sakînah (la quiétude), 'Ammâr est tombé martyr (témoin d'Allah). En revanche, Abîl-Ghâdiyah, le Compagnon qui l'a tué a fait preuve d'interprétation. Mais, malgré son Ijtihâd, il s'est trompé. Sa récompense (et non-châtiment) est de recevoir une seule rétribution (au lieu de deux rétributions s'il ne s'était pas trompé). Mais le cas d'Abîl-Ghâdiyah est différent de celui des meurtriers de 'Uthmân (r. d.) car il n'y avait pas lieu pour ceux-ci d'opérer de l'Ijtihâd dans ce meurtre».(325)

En parlant du même compagnon: Abîl-Ghâdiyah, Ibn Hajar dit: «il convient de croire que les Compagnons qui ont participé à toutes ces guerres, faisaient usage d'interprétation. Or le musulman Mujtahid qui se trompe a droit à une rétribution, à plus forte raison s'il fait partie des Compagnons».(326)

Ibn Hazm (Al-Muhallâ) et Ibn At-Turkmânî (Al- Jawharun-Naqî) disent ceci: «Nulle divergence au sein de la Communauté, que 'Abdur-Rahmân b. Muljam n'a tué 'Ali qu'après avoir fait preuve d'interprétation et considère que son acte était juste, comme le dit en poésie 'Umrân b. Hittân:

Oh! Le coup du pieux!

Dont il ne vise que l'agrément d'Allah.

Quant je me souviens de lui

Je le considère comme ayant auprès d'Allah

Le plateau de la balance le plus rempli.(327)

Le Sheikh 'Abdullatif écrivit aussi en marge du livre Aç-Çawâ'iq: «Tous les Compagnons à l'époque de 'Ali étaient ou bien de son côté ou bien contre lui ou neutres pour cause d'interprétation. (L'erreur) ne les sort point du statut de l'équité».(328)

En parlant de Yazîd b. Mu'âwiyah, Ibn Kathîr dit: «Ils ont expliqué ses agissements comme consécutifs à son interprétation qui déboucha sur l'erreur... Ils ont dit aussi: il était imam (calife) vicieux mais non passible de démission... Il n'est pas permis de se soulever contre lui. Quant à l'information selon laquelle Yazîd afficha une grande joie quand il a entendu parler de ce qu'avait fait son armée des habitants de Médine le Jour d'Al-Harrah, cela s'explique par le fait qu'il se voyait l'imam (le calife) légitime à l'obéissance duquel ils ont manqué. Comme ils ont pris un autre prince que lui, il avait le droit de les combattre jusqu'à leur retour à l'obéissance et leur intégration à l'ensemble de la Communauté».(329)

Ainsi les deux compagnons Khâlid b. al-Walîd et Abû Bakr, dans le premier récit, qualifièrent l'assassinat de Mâlik b. Nuwayrah et le mariage avec sa femme, d'interprétation.

Etait aussi une interprétation l'acte par lequel Aïsha parachevait la prière du voyageur en contradiction avec le hadîth qu'elle avait elle-même rapporté.

Pour Ibn Hazm, Abûl-Ghâdiyah, l'assassin de 'Ammâr b. Yâsir a fait preuve d'interprétation et eut donc droit à une seule rétribution (parce qu'il s'est trompé).

On a dit la même chose du meurtrier de 'Ali (a. s.) ...

Ainsi la mise en application des opinions personnelles fut d'abord comprise comme un acte d'Ijtihâd. Ensuite, les savants dans l'Ecole des califes, emboîtèrent le pas aux Compagnons et aux califes dans ce domaine et se permirent d'ouvrir la porte de l'Ijtihâd c'est à dire en fait la valorisation de l'opinion personnelle. Mais ils ont découvert pour cela des règles dont l'ensemble fut appelé science des fondements de la jurisprudence. Le recours à ces règles et l'acte par lequel ils en déduisaient les décrets religieux ou lois furent aussi appelés: Ijtihâd; celui qui s'y exerce fut appelé Mujtahîd.

Pour la terminologie islamique proprement dite la science religieuse s'appelle Al-fiqh et celui qui l'exerce s'appelle Al-faqîh. Pour en savoir plus, il convient d'étudier ces trois volets de la question.

- L'appellation

- Les premiers Mujtahîd du premier siècle de l'hégire et les différents lieux de leur Ijtihâd.

- Al-Ijtihâd au deuxième siècle de l'hégire et après cette période - la déduction des lois par le recours aux acts des Compagnons.

2- Al-Ijtihâd - cette appellation

At-Ta'wîl: terminologie linguistique et terminologie Shar'î

Tah'lab (mort en 291 h.) dit: At-Ta'wîl = la signification et l'explication se valent.(330)

Al-Jawharî (mort en 396 h.) dit: At-Ta'wîl = l'explication de la fin vers laquelle tend une chose donnée.(331)

Ar-Râghib Awl = At-Ta'wîl, du substantif Awl, le retour à l'origine.

Al-Mu'il = le lieu du retour

At-Ta'wîl = le fait de ramener la chose à sa fin voulue:

«Nul autre qu'Allah ne connaît son interprétation (Ta'wilahu) du Livre. Et ceux qui sont enracinés dans la science ...». (V. 7/III)

«Qu'attendent-ils? Sinon son At-Ta'wîl (son interprétation, son accomplissement) Le jour ou viendra son At-Ta'wîl, ...» (V. 53/VII)

Le mot Ta'wîl est employé ainsi tant dans le Livre que dans la sunnah dans le sens de l'interprétation du rêve:

«Fais-nous connaître son Ta'wîl (sa signification, son interprétation)». (V. 36/XII)

De même, le Messager (SAW), suite au songe au sujet de la bataille de 'Uhud: «J'ai interprété (ta'awwaltu) le bouclier comme étant Médine».(332)

Dans l'emploi du Ta'wîl par les Compagnons et les Tâbi'îne, on trouve un sens nouveau, (sens figuré). At-Ta'wîl veut dire dans l'Ecole des califes: le changement qu'on opère sur les décrets (Al-Ahkâm). Ibn al-Athîr dit alors: «At-ta'wîl, substantif de awala plus la préposition à "ilâ " veut dire devenir quelque chose; le ta'wîl signifie donc le transfert du sens apparent du terme, de sa signification première, originelle vers un autre sens basé sur un argument. N'eût été cet argument, le sens premier du terme n'aurait pu être délaissé»(333)

Ainsi ils (les partisans de cette Ecole) ont changé la signification du terme et cela s'est propagé dans les livres du hadîth. Dans le livre Al-Adab du Sahîh, Al- Bukhârî dit par exemple: « "celui qui" accuse son frère de mécréance, sans ta'wîl, "ceux qui considèrent que cela ne relève pas de la mécréance s'il l'a dit muta'awwilan, interprétant, ignorant».(334)

Dans Fath al-Bârî, sous la rubrique "des interprétants", le commentateur dit: «Celui qui accuse un Musulman de mécréance (lui impute - la qualité de mécréant), il faudra voir: si cela n'est pas fait sur base de ta'wîl, l'accusateur est blâmable, peut-être est-ce lui le mécréant. S'il l'a dit en arguant d'un ta'wîl, il faudra voir; si celui-ci n'est pas valable, l'accusateur est blâmable mais non mécréant (on lui expliquera alors le lieu de son erreur et on le réprimandera); si par contre, l'imputation de la mécréance s'est faite sur base d'un ta'wîl valable, son auteur n'est pas blâmable ...

Les savants disent: tout muta'awwil (interprétant) est excusable, non-pécheur si son ta'wîl est sémantiquement passable.(335)

C'est ainsi que s'opère l'évolution du terme Ta'wîl qui équivaudrait par après au terme ijtihâd. Voyons à présent les Mujtahidîne de la première époque musulmane et l'objet (les lieux) de leur ijtihâd.

3- Les Mujtahidîne de l'Ecole des califes au premier siècle de l'Islam

1)- Le Sceau des prophètes et le maître des Messagers (SAW)


Ce sont les partisans de l'Ecole des califes qui croient que le Messager d'Allah (SAW) figure parmi les Mujtahidîne. Ceux de l'Ecole d'Ahlu-Bayt refuse cette appellation et n'impute point d'Ijtihâd au Prophète (SAW)

Nous ne commençons ici par le Prophète (SAW) que pour respecter le point de vue adverse.

Ibn Abîl-Hadîd, le Mu'tazilite dit par exemple, à l'occasion de l'attardement d'Abû Bakr et de 'Umar à rejoindre l'escadron de 'Ussâmah: «Le Messager d'Allah (SAW) envoyait ses expéditions militaires par Ijtihâd personnel et non suivant une révélation divine qu'il n'aurait pu transgresser».(336)

2)- Le premier calife Abû Bakr (r. d.)

A l'occasion de la réplique qu'il a faite à l'encontre d'At-Tûsî qui reprocha au calife Abû Bakr «d'avoir brûlé al-Fujâ'ah As-Sulamî, de ne pas avoir assimilé Al-Kalalah, en matière successorale, et d'avoir ignoré la part de l'héritage dévolue à la grande-mère», Al- Qawshajî dit: «Il l'a brûlé parce qu'il s'était trompé dans son Ijtihâd (effort d'interprétation) et combien de fois, des Mujtahidîne comme lui se trompent! Quant aux deux questions successorales, il n'est pas nouveau qu'un Mujtahid (un jurisconsulte capable d'interpréter) cherche à connaître les fondements des lois auprès de ceux qui les ont bien assimilés ...».(337)

Pour ce qui est du reproche adressé à Abî Bakr qui n'appliqua pas la sanction appropriée à Khalid b. al- Walîd, le même Al-Qawshajî dit: «Il a épousé sa femme (celle de Mâlik b. Nuwayrah) en temps de guerre; c'est donc une question objet d'Ijtihâd. Quant à la critique adressée par 'Umar à Abî Bakr, à ce sujet, elle ne signifie pas que 'Umar s'est attaqué à la qualité de calife qu'avait Abû Bakr, car il arrive que certains savants critiquent d'autres».(338)

3)- Le Compagnon Mujtahid Khâlid b. al-Walîd

Ibn Kathîr dit: «Abû Bakr garda Khâlid à la tête de l'expédition bien que ce dernier se soit trompé dans son Ijtihâd relatif au meurtre de Mâlik b. Nuwayrah».(339)

4)- Le deuxième calife 'Umar b. al-Khattâb

Ibn Abîl-Hadîd rapporte le cinquième reproche adressé à 'Umar: «Il donnait du trésor public ce qu'il ne pouvait légalement donner. Ainsi il donnait à Aïsha et à Hafsa dix mille dirhams chaque année mais ne donna pas le quint (le cinquième) dévolu à Ahlul-Bayt ...».

Comme réponse à cette critique, il dit: «Le trésor public est à répartir entre les ayants droits et il incombe au calife de faire preuve d'Ijtihâd en matière de distribution (peu ou prou). De même "le cinquième" est une question d'Ijtihâd ... 'Umar n'est donc pas sorti du domaine de l'Ijtihâd qui était la méthode des Compagnons».(340)

Le septième reproche adressé à 'Umar:

«Il changeait de dispositions quant aux jugements qu'il émettait à tel point qu'en matière de l'héritage du grand-père, il a émis soixante-dix jugements voire cent. Il faisait preuve de favoritisme en matière de distribution des allocations annuelles alors qu'Allah - gloire à Lui - traite également l'ensemble des Musulmans. Il basait son verdict sur l'opinion personnelle et l'intuition».

En guise de réponse, on a dit: «Le désaccord et le changement de dispositions d'après les présomptions et la conjecture sont permis dans le domaine de l'Ijtihâd».

Al-Qawshajî dit: «Effectivement, il ('Umar) a donné aux épouses du Prophète, statué en matière successorale, priva Fatima et Ahlul-Bayt de leur cinquième donna cent jugements différents, partagea l'argent partialement alors que cela n'était pas ainsi à l'époque du Prophète». «Mais, ajouta-t-il, tout cela car un mujtahid peut toujours s'opposer à un autre en matière d'Ijtihâd».(341)

Il veut dire que l'opposition de 'Umar b. al-Khattâb (r. d.) au Messager d'Allah (SAW) dans toutes ces questions relève de l'opposition d'un Mujtahid ('Umar) à un autre Mujtahid (le Messager d'Allah SAW) et cela n'est point blâmable!!!

5)- Le troisième calife 'Uthmân

On reprochait à 'Uthmân de ne pas avoir appliqué la loi du talion à 'Ubaydillah b. 'Umar (qui avait tué un homme soupçonné d'avoir participé au meurtre de son père) Al-Qawshajî y répondit ainsi:

«Il a fait preuve d'Ijtihâd et cru qu'il ne devait pas la lui appliquer parce que le meurtre s'est passé avant son investiture proprement dite (comme calife)».(342)

De la même question, Ibn Taymiyyah dit: «C'est une affaire sujette à l'Ijtihâd».(343)

On reprochait aussi à 'Uthmân d'avoir ramené Al- Hakam (un Umayyade) de son exil auquel il fut condamné par Le Messager (SAW). La réponse à cette critique fut formulée ainsi: «Même si le Messager n'a pas permis le retour d'Al-Hakam à Médine, 'Uthmân pouvait, s'il faisait preuve d'Ijtihâd, le faire puisque les circonstances changent».(344)

Ibn Taymiyyah dit à propos des relations très tendues entre 'Uthmân et Ibn Mas'ûd: «Si chacun d'eux était mujtahid en ce qu'il disait, Allah le rétribuera pour ses bonnes actions et lui pardonnera les mauvaises».

Même en appliquant une sanction, l'imam mujtahid peut être digne de rétribution (en cas d'erreur); citons l'exemple du témoignage d'Abî Bakrah à l'encontre d'Al-Mughîrah. Le premier (témoin) est un homme de bien et pieux. Par son témoignage, il cherchait l'agrément d'Allah et voulait en être rétribué.(345)

La peine infligée par 'Uthmân à Ibn Mas'ûd et à 'Ammâr pouvait aussi relever de ce genre d'Ijtihâd et voir ainsi son erreur pardonnée,(346) à fortiori, les erreurs des adversaires en dispute (sont pardonnées). (347)

Pour ce qui est du troisième appel à la prière, ajouté par 'Uthmân les jours de vendredi, Ibn Taymiyyah dit que c'était aussi une question d'Ijtihâd.(348)

A son tour, Ibn Hajar al-Haythamî dit: «Ibn Mas'ûd reprochait beaucoup de choses à 'Uthmân. L'intérêt exigeait donc qu'il fût démi de ses fonctions.(349) Ensuite, on ne s'oppose pas ainsi aux auteurs de l'Ijtihâd mais ces maudits opposants n'ont ni compréhension ni raison (cervelle)».(350)

«L'Ijtihâd de 'Uthmân, ajoute Ibn Hajar, impliquait qu'il arrêta le versement des allocations annuelles d'Ibn Mas'ûd. Chacun d'eux était Mujtahid donc on ne peut arguer des actes de l'un pour s'opposer à l'autre».(351)

Ibn Hajar dit de même au sujet de la prière du voyageur, 'Uthmân l'ayant effectuée à Minan comme s'il était résident.(352)

6)- Al-Mujtahidah, la mère des croyants 'Aïsha (r. d.)

A propos de la critique signalée par Al-'Allâmah Abû Mançûr Ibn al-Mutahhar al-Hullîy (mort en 726 h.) à l'encontre de 'Aïsha qui, en se soulevant contre l'Imam 'Ali (a. s.), a violé l'ordre prescrit par le Coran («Restez dans vos demeures; ne vous montrez pas dans vos atours comme le faisaient les femmes au temps de l'ancienne ignorance». (V. 33/XXXIII), Ibn Taymiyyah(353) dit: «Elle ne s'est pas montrée dans ses atours comme le faisaient les femmes de la première Jâhiliyyah. Quant à l'ordre de garder la demeure, cela n'est pas contredit par une sortie motivée par la sauvegarde d'un intérêt ... 'Aïsha dont le voyage était dans l'intérêt général, a fait preuve d'interprétation. Or, tout mujtahid faisant une erreur dans son Ijtihâd est pardonné. L'erreur de 'Aïsha est donc à fortiori pardonnée. Et ce, de par le Livre et la sunnah».(354)

A son tour Al-Qurtubî dit à propos de 'Aïsha: «Mujtahidah, droite, rétribuée pour avoir fait de l'interprétation et pour avoir agi car tout Mujtahid dans la déduction des lois est dans son droit».(355)

7)- Mu'âwiyah b. Abî Sufiân : Le juste Mujtahid qu'on ne saurait concurrencer et le docte qu'on ne saurait égaler.(356)

8)- Son Ministre Amru b. al-'As

Ibn Hazm dit: «Certes Mu'âwiyah et ceux qui étaient avec lui se sont trompés, mais ils étaient Mujtahidîne donc rétribués d'une seule récompense».(357)

En parlant de Mu'âwiyah et de 'Amru b. al-'As, Ibn Hazm dit aussi: «Ils ont fait preuve d'Ijtihâd dans des questions relatives aux délits de sang comme les juges qui divergent sur la question de condamner ou non le sorcier à mort. Quelle différence y a-t-il donc entre l'Ijtihâd des juges et celui de Mu'âwiyah et de 'Amru? Si ce n'est l'ignorance, l'aveuglement et l'amalgame non fondé sur une science».(358)

A propos de l'histoire de l'arbitrage (entre les deux camps musulmans opposés ('Ali et Mu'âwiyah), sachant que 'Amru b. al-'As confirma Mu'âwiyah dans sa place contrairement à l'accord conclu auparavant avec Abû Mûsâ al-Ash'arî, Ibn Kathîr dit: 'Amru l'a fait parce qu'il voyait un intérêt (général). Or l'Ijtihâd aboutit tantôt à l'erreur tantôt à la rectitude».(359)

9)- Al-Mujtahid Abûl-Ghâdiyah, le meurtrier de 'Ammâr

Ibn Hazm dit encore dans Al-Fiçal: «'Ammâr (r. d.) fut tué par Abîl-Ghâdiyah (Yasâr b. Saban As-Sulamî). Sachant que 'Ammâr avait prêté serment d'allégeance au Prophète (SAW) qu'il avait donc assisté à l'allégeance de la satisfaction divine, qu'Allah connaissait le contenu de son cur, qu'IL a fait descendre sur lui la Sakînah (la quiétude), 'Ammâr est tombé martyr (témoin d'Allah). En revanche, Abîl-Ghâdiyah, le compagnon qui l'a tué, a fait preuve d'interprétation. Mais, malgré son Ijtihâd, il s'est trompé. Sa récompense (et non-châtiment) est de recevoir une seule rétribution (au lieu de deux rétributions s'il ne s'était pas trompé). Mais le cas d'Abîl-Ghâdiyah est différent de celui des meurtriers de 'Uthmân (r. d.) car il n'y avait pas lieu pour ceux-ci d'opérer de l'Ijtihâd dans ce meurtre».(360)

C'est ainsi que parla de lui Ibn Hajar As 'Asqalânî à l'occasion de sa biographie (dans Al-Içâbah) où il le considère parmi les Compagnons qui ont fait preuve d'Ijtihâd.

10)- Mujtahidîne dans l'ensemble

Al-'Allâmah dit: «Les reproches adressés à la communauté (des compagnons) sont si nombreux qu'Ibn al-Kalbî put composer tout un livre se rapportant aux défauts, et mauvais agissements des Compagnons sans citer un seul défaut sur le compte d'Ahlul-Bayt».

Ibn Taymiyyah dit en guise de réplique: «Dans la plupart de ces questions, les Compagnons sont excusés parce que leurs actes n'étaient pas des péchés mais des occasions d'Ijtihâd dans lesquelles celui qui vise juste aura la rétribution double et celui qui se trompe n'aura qu'une seule récompense. L'ensemble des actes des califes pieux, étaient de cette sorte». (3/19-30 du Minhaj-As-Sunnah).

Ainsi donc, les partisans de l'Ecole des califes, depuis le deuxième siècle de l'hégire jusqu'à nos jours - le début du quinzième siècle - sont unanimes à croire que tous les Compagnons sont Mujtahidûn, qu'Allah les rétribuera pour leurs disputes et leurs meurtres. Ils n'en sont pas seulement innocents, ils seront rétribués pour leurs mauvais actes.

Si ce qu'ils prétendent est juste, quelle justice de la part d'un Seigneur juste Qui considère nos mauvais actes comme mauvais et passibles de punition et les leurs comme bons et passibles de récompense!!!

Ils sont unanimes à juger ainsi les actes des Compagnons jusqu'à l'époque de Mu'âwiyah. Certains des partisans de l'Ecole des califes disent que cela englobe aussi l'époque de Yazîd, comme l'affirma Ibn Khaldûn dans sa Muqaddimah(361)

(Bon Sang!) Si tous ces gens étaient Mujtahidûn par le seul fait qu'ils étaient Compagnons du Messager, pourquoi ne disent-ils pas la même chose des meurtriers de 'Uthmân? Pourquoi ne les considèrent-ils pas comme Mujtahidûn?

Ibn Hazm s'est posé la question et y a répondu ainsi: «Non, ce n'est pas la même chose, l'Ijtihâd n'a pas lieu ici car 'Uthmân n'a pas tué, n'a pas semé scandale, n'a pas forniqué, n'a pas renié l'Islam non plus pour qu'on interprète quoi que ce soit à son égard. Les meurtriers sont donc pervers, rebelles et sanguinaires l'ont tué exprès et sans interprétation aucune. Injustes, ils sont donc "hérétiques" et maudits».(362)

«Je me demande, dit l'auteur, comment le meurtrier de l'Imam 'Ali est devenu mujtahid, habilité à faire de l'interprétation et à tuer ainsi l'Imam dans la mosquée, en pleine prière!».

11)- Le calife imam Yazîd b. Mu'âwiyah

Abûl Khayr Ash-Shafi'î dit à son compte: «C'est un imam mujtahid».(363)

Ibn Kathîr dit, après avoir rapporté à partir d'Ibn al- Jawzî l'autorisation de le maudire: «D'autres (qu'Ibn al-Jawzî) défendent qu'on puisse le maudire pour que cela n'aille pas jusqu'à son père ou jusqu'à l'un des Compagnons. Ses mauvais agissements sont considérés par ces auteurs comme ayant été le résultat d'une erreur dans l'interprétation. Oui, il était pervers mais cela ne permet pas de le démettre de l'autorité suprême ni de se soulever contre lui afin que cela ne soit pas l'occasion de troubles, de sédition et d'effusion de sang. Quant à la joie qu'avait manifestée Yazîd lors de la victoire remportée par son armée à la tête de laquelle se trouvait Muslim b. 'Uqbah, contre les habitants de Médine à la bataille d'Al-Harrah, elle (la joie) était légitime parce qu'il était l'imam à qui ils (les Médinois) ont désobéi ...»(364)

4­ L'objet de leur Ijtihâd (effort d'interprétation ou de déduction)

1)- L'Ijtihâd du Messager d'Allah (SAW)

Pour l'Ecole des califes, le Messager d'Allah (SAW) était le premier à avoir exercé de l'Ijtihâd. Dans l'affaire de l'expédition "Usâmah", les partisans de cette Ecole avancent que le Prophète (SAW) se basait sur l'Ijtihâd pour envoyer ses expéditions militaires:

«Lundi 26 Safar de l'an 11 de l'hégire, le Messager d'Allah (SAW) ordonna aux gens de préparer ..» (voir chap.: 1 de "La réalité historique de l'événement ...").

2)- L'Ijtihâd d'Abû Bakr

On lui a reproché d'avoir brûlé vif Al-Fujâ'ah As-Sulamîy, l'homme qui s'était présenté en Musulman devant le calife pour lui demander de lui permettre de combattre les apostats, à la tête d'un escadron armé. Au lieu de servir la cause de la Communauté, il utilisa son autorité pour s'emparer des biens d'autrui en tuant indistinctement Musulmans et non-Musulmans. Quand le calife eut pris connaissance de ses agissements il envoya Tarîfah b. Hâjr, l'un de ses lieutenants pour le tuer ou le capturer. Vaincu, il s'est rendu. Le calife ordonna à Tarîfah de faire du feu à Al-Baqî' et d'y jeter le coupable. Par après, Abû Bakr regretta son acte et dit avant de mourir: «J'aurais aimé ne pas commettre ces trois choses: avoir découvert la maison de Fatima eût-elle été un lieu de guerre; avoir brûlé Al-Fujâ'ah au lieu de le tuer ou de le libérer, avoir reçu l'allégeance le Jour de la Saqîfah au lieu de m'en débarrasser au profit de l'un des deux hommes ('Umar et Abû 'Ubaydah)»(365).

On a reproché à Abû Bakr d'avoir brûlé Al-Fujâ'ah alors que le texte relatif à la sanction adéquate se trouve dans le Coran:

«Telle sera la rétribution de ceux qui font la guerre contre Allah et contre Son Messager et de ceux qui exercent la violence sur la terre: ils seront tués ou crucifiés, ou bien leur main droite et leur pied gauche seront coupés ou bien ils seront expulsés du pays». (V. 33/V)

Dans la sunnah, il est défendu de punir par le feu: «Ne punit par le feu que le Seigneur du feu», dans plusieurs récits similaires. (366)

Les hadîths suivants comportent la sanction qu'on doit infliger à l'apostat:

- Que celui qui change sa religion soit tué».

- Il n'est pas licite de verser le sang d'un Musulman qui a attesté qu'il n'y a d'autres divinités qu'Allah, que Muhammad est Son Messager, à moins qu'il commette l'un de ces trois actes: la fornication après le mariage, (il sera alors lapidé), la rébellion contre Allah et Son Messager (il sera alors tué, crucifié ou exilé) ou le meurtre (la loi du talion lui sera alors appliquée) (367)

La violation de ces textes par Abû Bakr fut, malgré tout, excusée et interprétée par les savants (de l'Ecole des califes) comme ayant été une erreur d'Ijtihâd.

On lui reproche aussi son ignorance d'Al-Kalâlah (le défunt qui n'a ni ascendant ni descendant comme héritier) alors que cela se trouve dans le Coran:

«Quand un homme ou une femme

N'ayant ni parents ni enfants, laisse un héritage; s'il a un frère ou une sur (utérins); le sixième en reviendra à chacun d'eux. S'ils sont plusieurs: ils se répartiront le tiers de l'héritage, après que ses legs ou ses dettes auront été acquittés...» (V. 12/IV)

«... Dis, Allah vous donne des instructions au sujet de la parenté éloignée:

Si quelqu'un meurt sans laisser d'enfants mais seulement une sur (germaine ou consanguine), la moitié de sa succession reviendra à celle-ci

Un homme hérite de sa sur si celle-ci n'a pas d'enfants

S'il a deux surs, les deux tiers de la succession leur reviendront

S'il laisse des frères et des surs (germains ou consanguines), une part égale à celle de deux femmes revient à un homme ...». (V. 176/IV).

Abû Bakr hésitait beaucoup à statuer dans une question d'héritage, en cas de Kalâlah (parenté éloignée).(368)

Il ignorait aussi la part de l'héritage qui revient à la grand-mère:

«A une grand-mère qui demanda sa part d'un héritage, Abû Bakr dit: «tu n'as rien d'après le Livre d'Allah; quant à la sunnah du Messager d'Allah (SAW), je demanderai aux gens, Al-Mughîrah b. Shu'bah lui dit: «J'étais présent quand le Prophète a accordé le sixième de l'héritage à la grand-mère». «Y a-t-il un autre témoin que toi?», demanda Abû Bakr. Quand M.b. Maslamah al-Ançârî eut donné le même témoignage, Abû Bakr accorda le sixième à la grand-mère ...».(369)

Dans d'autres circonstances, deux grands-mères, maternelle et paternelle, lui demandèrent leur part d'un héritage. Il donna alors toute la part (le sixième) à la grand-mère maternelle. 'Abdur-Rahmân b. Sahl remarqua alors: «Ô calife du Messager d'Allah! Tu as donné à celle que le défunt n'aurait pas hérité, si elle avait été, elle, la défunte! Alors, le calife partagea le sixième entre les deux grands-mères».(370)

La bévue du calife concernant l'assassinat de Mâlik b. Nuwayrah par Khâlid b. al-Walîd est très célèbre:

Mâlik b. Nuwayrah, Compagnon et gouverneur du Messager (SAW) et appartenant à la tribu de Tamîm ne se rallia pas à la cause d'Abû Bakr. Pendant la nuit, l'armée de Khâlid b. al-Walîd les envahit. Ils prirent alors leurs armes. Les envahisseurs leur disent: «Nous sommes des musulmans». Les compagnons de Mâlik dirent: «Et nous sommes des musulmans». Les guerriers de Khâlid leur dirent: «Si vous êtes comme vous dites, déposez alors les armes». Ils les déposèrent et firent ensuite la prière (commune) avec les guerriers de Khâlid. Par après ceux-ci les capturèrent et les conduisirent devant Khâlid b. al-Walîd qui ordonna de couper la tête à Mâlik. Celui-ci regarda vers son épouse - qui était très belle - et dit à Khâlid: «C'est celle-ci qui m'a tué» (c'est à cause d'elle que je vais être exécuté). Khâlid lui dit: «C'est Allah Qui te tue à cause de ton reniement de l'Islam». Mâlik dit: «Nous sommes dans l'Islam (toujours Musulmans)». Après qu'on l'a tué, Khâlid ordonna de se servir de sa tête comme trépied à leur marmite. Pendant cette nuit même et avant que Mâlik ne fût enterré, Khâlid épousa sa veuve(371) (sans attendre l'écoulement Shar'î de la retraite légale exigée par le St Coran, abstraction faite des circonstances de l'affaire).

Sous prétexte de combattre les apostats, Khâlid tua Mâlik b. Nuwayrah qui n'en était pas un, épousa sa femme, la nuit même du meurtre.

'Umar dit alors à Abî Bakr: «Certes Khâlid a commis l'adultère, lapide-le!

- Non, répondit Abû Bakr, il s'est trompé dans son interprétation.

- Démis-le alors de son poste!

- Non, je ne peux rengainer une épée tirée par Allah!, répondit-il.

Ainsi Khâlid a fait de l'Ijtihâd en emprisonnant un musulman qui pria avec lui, puis le tua par Ijtihâd aussi, il fit encore une interprétation concernant la femme de Mâlik et l'épousa par Ijtihâd la nuit même de l'assassinat de son mari.

A son tour, Abû Bakr fit une interprétation pour dispenser Khâlid de l'application de la loi du talion puis fit une autre interprétation pour le faire échapper à la peine de la lapidation. Les deux Compagnons ont fait de l'Ijtihâd et, tout en se trompant, eurent droit à une rétribution divine. 'Umar qui ne s'est pas trompé dans son Ijtihâd concernant la même affaire eut droit à une double rétribution. Quant à la victime, Mâlik b. Nuwayrah, le Compagnon du Messager d'Allah et son délégué, il n'eut droit à rien.

3)- L'Ijtihâd de 'Umar

On lui reproche d'avoir réparti inégalement les allocations annuelles qui revenaient aux Musulmans (hommes et femmes) du Trésor public.

Ibn al-Jawzî en donna les détails suivants:

Al-'Abbâs b. Abdil-Muttalib: 12 mille dh.

A chacune des épouses du Prophète 10 mille dh. sauf Aïsha qui eut droit à 2 mille dh de plus.

Pour les Muhâjirîne qui ont assisté à la bataille de Badr, à chacun cinq mille dh.

A chaque Ançarite qui y a assisté 4 mille dh.

Pour ceux qui ont assisté à Uhud, 4 mille dh chacun aux batailles de l'après Al-Hudaybiyyah 3 mille dh chacun.

Pour ceux qui ont participé aux expéditions militaires après la mort du Prophète, 2 mille dh chacun, ou mille cinq cent ou mille ou deux cents.

Pour les femmes, un autre barème (de 500 à 200 dh, chacune)

D'après Al-Ya'qûbî, 'Umar accorda aux habitants de Makkah (les Quraïshites tels Abû Sufiân b. Harb et Mu'âwiyah son fils cinq mille dh chacun). (372)

Cette distribution déséquilibrée des richesses a permis à certains bénéficiaires de recevoir soixante fois plus que les autres comme c'était le cas de la mère des croyants Aïsha qui avait 12 mille dh alors que d'autres femmes n'en recevaient chacune que deux cents. C'était ainsi que s'établit le régime des classes sociales dans la Communauté islamique contrairement à la sunnah du Messager. La concentration des fortunes dans une classe sociale donnée et la misère dans une autre, poussèrent les riches à la nonchalance (et les pauvres au désespoir).

'Umar en prit finalement conscience et dit vers la fin de sa vie: «Si j'avais la possibilité de corriger les décisions que j'avais prises autrefois, je distribuerais alors l'excédent dans les fortunes des gens aisés, aux pauvres parmi les Muhâjirîne».(373)

Encore une fois, même dans ses souhaits qu'il ne put réaliser, 'Umar fait preuve d'inéquité puisqu'il pensait faire une redistribution des richesses au profit des pauvres parmi les Muhâjirîne au détriment de leurs semblables parmi al-Ançâr et les autres Musulmans!!(374)

Parmi les conséquences fâcheuses de cette distribution des deniers publics sous forme d'allocations annuelles, il y eut la consécration de la dépendance des Musulmans à l'égard des gouverneurs qui n'hésitaient pas à user de ce système pour exercer la pression sur les gens à punir les opposants par l'annulation de leur droit à l'allocation annuelle et à augmenter celle de leurs partisans, comme au temps du calife 'Uthmân, de Ziyâd et de son fils 'Ubaydillah, lorsqu'ils étaient gouverneurs d'al-Kûfah.(375)

5- L'Ijtihâd des deux califes Abû Bakr et 'Umar dans le domaine du quint (Al-Khums, le cinquième); Introduction sur la signification des termes Zakât-Çadaqah-Fay', Çafîy, Anfâl, Ghanîmah et Al- Khums.

«Quelque chose que vous preniez en butin, sachez que le cinquième en appartient à Allah, au Messager et aux Proches, aux orphelins, aux pauvres et au voyageur, si vous croyez en Allah et à ce qu'il a révélé à Notre Serviteur, le Jour où l'on discerna les hommes justes des incrédules, le jour où les deux partis se sont rencontrés - Allah est puisant sur toute chose - ». (V. 41/VIII)

Dans ce verset, Allah institua l'obligation de verser le cinquième des bénéfices sur l'ensemble des biens acquis, à Allah, à Son Messager et aux Proches du Prophète. Dans l'époque anté-islamique, le quart du butin était réservé au chef. En Islam, au lieu du quart pour le chef, le cinquième seulement, mais généralisé au surplus de toutes les acquisitions, partagé en six parts au lieu d'être l'apanage d'un chef.

Le fait que le Messager (SAW) avait pris le quint des minerais et des trésors enfouis, prouve que le cinquième doit être prélevé sur le surplus de toutes les acquisitions et non seulement du butin de guerre.(376)

De la sunna, il y a les propos du Messager d'Allah (SAW) adressés à la délégation de 'Abd al-Qays: «Versez le cinquième de vos bénéfices».(377) Or, cette tribu qui demandait à se renseigner en matière de législation islamique, ne pouvait se rendre auprès du Prophète que pendant un mois sacré à cause des tribus incrédules de Mudar qui s'interposaient entre elle-même et le Prophète. Cette tribu, (alliée des Musulmans) n'avait pas de guerre à mener (puisque l'ordre de faire la guerre appartient au Prophète SAW). Donc le cinquième qu'elle devait verser n'était pas du butin de guerre mais du surplus de leurs biens acquis.

Les écrits du Prophète envoyés aux autres tribus arabes après leur adoption de l'Islam, portent la même signification. Ses gouverneurs au Yaman musulman avaient les mêmes instructions: prélever le cinquième des biens acquis (en dehors des matières assujetties à la Zakât).(378)

C'est ce que comporte aussi la lettre du Prophète envoyée à la tribu Sa'd: «Versez le cinquième et la Zakât à ses deux émissaires».(379) Cette tribu n'avait pas mené de guerre pour que le Messager d'Allah (SAW) lui demandât de verser le cinquième du butin "de leur guerre". Il s'agissait donc du cinquième sur les bénéfices acquis.

Quant aux bénéficiaires du Khums le verset coranique précité (V. 41/VIII) nous renseigne qu'ils sont six: Allah, Le Messager, les Proches parents du Messager, les orphelins parmi eux, les pauvres et les voyageurs en détresse.

Dans certains récits, il est dit que la part qui incombe à Allah et celle qui incombe au Messager, forment une seule part. Oui, si cela voulait dire qu'elles ont le même aboutissement; sinon, selon le texte sacré les parts sont six et non cinq. Les récits successivement transmis par les partisans d'Ahlul-Bayt (a. s.) stipulent que la part du Proche parent revient à Ahlul-Bayt à l'époque du Prophète; après lui, successivement aux douze Imams, que la part due à Allah revient au Prophète (SAW) qui la dépense comme bon lui semble, qu'après lui cela incombe à l'Imam son successeur. La moitié du Khums est donc aujourd'hui du ressort de l'Imam du temps (a. s.) de par son Imamat et l'autre moitié revient aux autres parents du Prophète (orphelins, pauvres et voyageurs en détresse).

S'il y a un surplus après leur avoir versé leur dû, il revient à la caisse du Wâli (l'Imam ou son représentant). Si ce qu'ils ont reçu est en deçà de la satisfaction de leurs besoins, le Wâli devra combler la lacune.

Les autres parents du Prophète dont il s'agit ici sont les fils et petits-fils de 'Abdil-Muttalib et d'Al- Muttalib, qui sont privés de la Zakât, de par la sunnah qui prohiba que l'un des proches parents du Prophète - y compris leurs mawâlî - serviteurs affranchis -touchent aux recettes de la Zakât.(380)

De là on comprend que les biographes comme Ibn Hishâm, qui prétendirent que 'Ali (a. s.) fut envoyé au Yaman pour la collecte de la zakât, se sont trompés. 'Ali avait pour mission de recueillir les biens d'al- Khums (381) comme l'ont déclaré Al-Bukhârî et Ibn al- Qayyim.

Sans doute, le Messager d'Allah (SAW) avait-il l'habitude d'envoyer ses émissaires dans les différentes provinces de l'Etat islamique en vue de collecter les recettes de la Zakât et celle du quint (al-Khums). Mais comme les califes après la mort du Prophète (SAW), levèrent l'obligation de verser le quint, les narrations et les savants négligèrent d'y rapporter les hadîths parce que cela s'opposait à la politique des califes à travers les époques. Il y a une autre raison à ce manque de récits relatifs au prélèvement du Khums même à l'époque du Prophète (SAW): d'une part, la plupart des richesses dans la presqu'île arabique, étaient constituées de cheptel vif et de peu de vergers et de céréales, c'est à dire des fortunes soumises à la zakât et non au Khums. D'autre part, le commerce que pratiquaient les Mekkois en particulier était entravé par les tumultes et les guerres qui opposaient les différents antagonistes: l'Etat islamique acculé à se défendre contre plusieurs ennemis à la fois: Quraïsh, les autres tribus arabes et les juifs hostiles au nouvel Etat de Médine (plus de quatre vingt batailles en dix ans). Tout cela avait compromis les routes et les activités commerciales, d'où la rareté des bénéfices et des acquisitions (soumises au Khums).

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