Mar07162024

mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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Bilâl Exilé

Bilâl Exilé


Tous les efforts du califat en vue d'amener Bilâl à composer furent vains, et ne parvinrent nullement à entamer sa détermination. Il persévéra avec férocité, refusa toutes les promesses qu'on lui faisait, resta indomptable face aux menaces et ne se soumit jamais. En raison de la position hostile de Bilâl et de l'écho négatif que son refus de prêter serment d'allégeance à Abû Bakr laissa sur la société, le pouvoir califal décida de le punir.

De crainte de voir d'autres personnes se joindre à Bilâl dans sa prise de position et le risque de trouble que cela pourrait entraîner, on suggéra que ce dernier soit banni de la Capitale et exilé dans un endroit lointain pour le mettre hors d'état de nuire, et pour que les gens finissent par l'oublier et oublier avec lui les reproches faits à l'encontre du calife.

Mais certains conseillers du calife firent remarquer: «Si nous l'exilons ouvertement, nous serons encore plus blâmés. Il est possible d'ailleurs que l'Imam 'Alî y objecte. Et dans ce cas notre action produirait un effet contraire à celui escompté. Il vaudrait mieux donc que nous le soumettions à des persécutions et à des menaces afin qu'il soit obligé de quitter Médine de lui-même».

Ce schéma fut approuvé par la majorité des conseillers, et suséquemment Bilâl commença à subir des persécutions jour et nuit et à faire l'objet, en permanence, de menaces de mort.

A la fin il reçut le message suivant: «Soit tu prêtes serment d'allégeance à Abû Bakr et tu fais l'azan, soit tu quittes Médine».(55)

 

Selon certains historiens, 'Omar dit à Bilâl: «Maintenant que tu ne fais plus l'azan, tu ne dois pas rester à Médine où tu peux devenir une source de corruption» et il le soumit à des pressions».(56)

Ainsi, le porte-parole du mouvement de l'Islam fut placé devant un dilemme difficile: d'une part il lui était très pénible d'abandonner la Ville du Prophète (Madînat-al-Rasûl), et d'autre part il lui semblait impossible d'y rester. Il se demandait comment il pouvait demeurer à Médine et résister aux pressions.

Après tout, comment pouvait-il quitter Médine, la tombe du Prophète (P) et les milliers de souvenirs que cette ville lui évoquait? Toutefois, il choisit finalement de partir dans l'espoir de pouvoir avoir plus de liberté pour réveiller les gens et leur expliquer que le Califat avait été usurpé et qu'il devait revenir à son ayant-droit. Il pensa qu'il était de son devoir d'expliquer la vérité aux gens. Rester à Médine l'empêchait de s'acquitter de ce devoir et pis, le conduirait à approuver, ne fût-ce que par son silence forcé, l'action du gouvernement, ce qu'il lui était impossible de faire, car ce fût approuver l'injustice.

Il décida donc de partir pour la Syrie et se prépara pour le bannissement. Avant de décider de s'exiler en Syrie, il avait consulté la famille du Saint Prophète. Et lorsqu'il fut prêt au départ, la première chose qu'il fit, fut d'aller dire adieu à l'Imam 'Alî.

Cette rencontre entre l'Imam 'Alî et Bilâl eut lieu dans un climat très émouvant. Alors que le premier pouvait à peine cacher sa grande émotion, le second ne put empêcher ses larmes d'inonder son visage.

Puis, Bilâl se rendît au tombeau du Saint Prophète pour faire ses adieux également. Et après avoir passé un bon moment à pleurer sur la tombe, il s'adressa au saint Défunt dans ces termes:

«O Noble Prophète de l'Islam! Tu sais bien toi-même quels jours affligeants nous traversons et quel coup sévère a été porté au corps de ta religion. O Prophète d'Allah! J'ai été contraint à la suite des pressions croissantes de l'administration califale de me résoudre à quitter ta ville pour m'exiler en Syrie».

Bilâl entreprit son voyage d'exil et après avoir surmonté maintes difficultés et d'innombrables obstacles qui s'étaient dressés devant lui sur la route Médine- Damas, il arriva à bon port. Une fois près de Damas, il s'arrêta pendant un moment, regarda la ville et se dit:

«Quelle ville terne et triste! On dirait que la mort fait planer son ombre partout. O Seigneur! Comment pourrais-je vivre ici? Je pensais que la journée allait se terminer et que je pourrais me reposer un moment. Mais maintenant, je suis devenu plus fatigué et plus triste. O Seigneur! Que pourrais-je faire?»

Bilâl se rendit à la porte de la ville le coeur serré. Et après de longues recherches, il réussit à trouver un logement.

Mais, une fois installé à Damas, Bilâl se sentit satisfait de pouvoir résister à l'oppression des gens puissants et de dire la vérité. Il remercia Allah et s'enorgueillit de son existence en réalisant que celle-ci constituait en soi une menace pour les gouvernants, lesquels craignaient même son silence.

Bilâl résida à Damas pendant un certain temps, mais son âme était toujours à Médine. Il pensait toujours à trouver une solution à ce problème. Finalement il perdit patience et décida de retourner à Médine pour se réjouir de la vue de la famille du Saint Prophète et de son auguste Compagnon, l'Imam 'Alî. Il était conscient néanmoins, de la possibilité que le gouvernement considère son retour comme inopportun et qu'il le retint.

Cependant, comme il avait pris la décision de retourner à Médine, il se dit: «Je dois accomplir ce voyage, même au prix de ma vie».

Bilâl quitta Damas avec beaucoup de courage et d'enthousiasme, ayant un objectif fixé dans sa tête: revoir la famille du Prophète. Le voyage qu'il avait imaginé très long au moment du départ, lui sembla très court à l'arrivée.

Il atteignit les abords de Médine et la ville avait l'air calme et tranquille. Il vit les murs de la Mosquée du Saint Prophète de loin et les réminiscences du passé firent surface dans son esprit. Aussi, ses larmes se mirent-elles à couler à flots à ces souvenirs proches et lointains.

Après être arrivé en ville, il se dirigea directement et immédiatement à la tombe du Saint Prophète. Les espions du pouvoir aperçurent Bilâl, et voulurent l'arrêter. Toutefois ils estimèrent qu'il n'était pas convenable de procéder à son arrestation sans prévenir préalablement les autorités de son arrivée. Une fois celles-ci mises au courant du retour de Bilâl, elles s'en inquiétèrent.

D'autre part, la nouvelle de sa venue était parvenue à l'oreille de la fille chérie du Saint Prophète, Fâtimah al-Zahrâ', et Bilâl lui-même venait d'apprendre que celle-ci était souffrante, et s'en alarma énormément. Profitant de sa présence auprès de la tombe de son père, il confia à celui-ci sa grande tristesse:

«O Prophète d'Allah! Après toi le monde est devenu noir, l'Imamat s'est transformé en Califat et a été usurpé par des gens qui n'y conviennent pas.

»O Prophète d'Allah! Je viens d'apprendre que ta fille est souffrante.

»O Prophète d'Allah! Ton successeur légitime, 'Alî, vit retiré dans sa maison. Par son silence et sa retraite, il préserve l'Islam et l'unité des Musulmans.

»O Prophète d'Allah! Je viens juste de rentrer de mon exil en Syrie...»

Et sans pouvoir terminer ses complaintes et exprimer ses douleurs, il perdit conscience et tomba par terre, sous l'effet de diverses émotions fortes.

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