Mar07162024

mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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Bilâl Fait La Grève

Bilâl Fait La Grève


Depuis le jour où le Saint Prophète émigra à Médine et jusqu'à la fin de sa vie Bilâl s'était appliqué à appeler les gens à la Mosquée pour les y rassembler en vue d'accomplir la prière en assemblée, de se mobiliser dans l'armée, ou de résoudre un problème.

Tout le monde s'était familiarisé avec sa voix et attendait avec plaisir d'entendre son appel vivifiant l'invitant à Allah et à la bonne action.

Mais lorsque après le décès du Saint Prophète Abû Bakr avait accédé au Califat et décidé à ce titre d'aller à la Mosquée et d'occuper le siège (mihrâb) que le Prophète avait l'habitude d'occuper, afin de consolider de cette façon les piliers de son pouvoir et être en contact direct avec les gens, Bilâl s'abstint de poursuivre sa tâche de faire l'azan.

Etant donné que jusqu'à la fin de la vie du Saint Prophète, la première étape de la formation de la foule et du rassemblement des gens à la Mosquée avait été la récitation de l'azan par Bilâl, celui-ci en décidant de ne plus accomplir cette mission, avait trouvé le moyen le plus sensible, et le plus naturel, mais aussi le plus efficace de manifester sa désapprobation du Califat. Et depuis cette époque, Bilâl ne participa à aucun rassemblement organisé par ou pour le pouvoir califal.

 

L'absence de Bilâl, une personnalité bien en vue, aux réunions, pouvait amener les gens à s'interroger sur les raisons de cette absence, à une époque où la contestation de la légitimité du califat était beaucoup plus qu'un sujet tabou.

Les partisans du Calife pensaient que si Bilâl continuait à faire l'azan comme avant, les cris et les grognes des opposants du Califat pourraient se dissiper et les gens reviendraient plus nombreux, comme jadis, à la Mosquée, étant donné qu'ils étaient accoutumés à le faire en entendant la voix de Bilâl. Ils voulaient que la récitation de l'azan par Bilâl serve de rideau aux intrigues de l'administration califale et d'un trompe-l'oeil pour les braves gens et le commun des mortels.

Aussi se mirent-ils à la recherche de Bilâl, et l'ayant localisé non sans difficulté, lui demandèrent-ils de reprendre sa mission.

Bilâl avait été formé dans le giron de l'Islam pendant vingt-trois ans, et directement concerné par les différents événements qui avaient formé l'histoire de la jeune nation. Il avait reconnu et accepté l'Islam avec sincérité, et entendu tout ce que le Prophète (P) avait dit relativement à l'identité du dirigeant islamique et à la direction islamique.

Il était particulièrement conscient des remarques très claires et ne souffrant aucune ambiguïté, du Messager d'Allah concernant le Califat de l'Imam 'Alî, et savait pertinemment que le gouvernement actuel avait accédé au pouvoir contrairement aux ordres d'Allah et du Saint Prophète.

Il croyait sincèrement que seul, le Commandeur des Croyants, l'Imam 'Alî avait titre pour l'accession au Califat. Dans ces conditions sa réponse aux représentants du pouvoir ne pouvait être évidemment que négative.

Mais ces derniers ayant beaucoup insisté pour le convaincre d'accéder à leur demande, Bilâl répéta invariablement la même réponse, et ne prêta aucune attention à leur discours.

En refusant de réciter l'Azan comme jadis, Bilâl entendait obliger les gens à réfléchir et à se rappeler peu à peu l'époque du Saint Prophète et ses recommandations relatives à l'Imam 'Alî et à son Imamat. C'est pour cette raison d'ailleurs que lorsque les gens lui demandèrent pourquoi il ne faisait plus l'Azan, il répondit: «Après le Saint Prophète, je ne réciterai l'Azan à personne d'autre».

D'autre part, la non-participation de l'Imam 'Alî, de Salmân, d'Abû Tharr, de Zubayr, de Bilâl, de Miqdâd, de Sohayb etc...aux rassemblements formés habituellement dans la Mosquée renforça la position de Bilâl et amena les gens à mettre en doute la légalité du gouvernement et à s'y opposer.

L'administration califale s'inquiéta de la prise de position de Bilâl et essaya de le faire plier.

Et c'est cette inquiétude qui conduisit le Calife à envoyer officiellement quelques émissaires à Bilâl pour faire soumettre "cette tête noire et inflexible"(52) au Califat à tout prix, par des promesses alléchantes ou des menaces, l'appât de la fortune ou de la position.

Toutefois Bilâl n'était pas quelqu'un à ignorer la vérité. Il voyait l'Islam incarné par l'Imam 'Alî et croyait que même sans l'existence des recommandations du Prophète (P) le concernant, personne d'autre que l'Imam 'Alî ne convenait au Califat.

Il était convaincu que l'Islam authentique, se traduisait par l'attitude de l'Imam 'Alî et ses compagnons, même s'ils ne formaient qu'une minorité. Bilâl qui avait supporté tant de souffrances et de tortures pour la cause de l'Islam, ne pouvait pas voir cet Islam se transformer maintenant en un jouet de désirs matériels et un engouement pour le pouvoir.

C'est pourquoi, il donna une réponse nette et précise aux émissaires du Calife: «Je ne ferai l'Azan qu'à celui que le Saint Prophète a choisi comme son successeur».(53)

Finalement, 'Omar qui était un ami intime du calife Abû Bakr, et considéré comme l'un des facteurs les plus déterminants pour son accession au Califat, et pour sa continuation dans ce poste, décida de discuter personnellement avec Bilâl sur cette affaire d'Azan.

En voyant Bilâl, 'Omar pensa: «Je le ferai se soumettre au Califat et je l'arracherai du sein des opposants». Après les salutations et l'échange des formules de politesse, 'Omar dit:

«O Bilâl! Pourquoi nous abandonnes-tu ces jours-ci? Je tenais beaucoup à ce que tu sois avec nous pour que nous puissions te confier quelques tâches. Pourquoi ne viens-tu pas à la Mosquée? Nous espérons que tu récites l'Azan et appelles les gens à la Mosquée pour faire la prière derrière le Calife du Saint Prophète. J'ai entendu que tu avais dit que tu ne feras plus l'azan. Pour quelle raison? Ne te rappelles-tu pas que ce même Abû Bakr t'avait délivré de l'esclavage et de la persécution de ton maître cruel? Est-il convenable que tu l'abandonnes maintenant en refusant de faire l'azan pour lui?»

Bilâl commença à se souvenir des événements du passé: sa persécution, son bannissement, son émigration à Médine, les engagements militaires avec les infidèles et les polythéistes, la conquête de la Mecque et le décès du Saint Prophète.

Il dit à 'Omar: «Que c'était heureux, l'époque où le Saint Prophète était parmi nous et où il invitait les gens à Allah et à la justice! Et qu'ils sont durs, calamiteux et noirs ces jours que nous vivons maintenant! Quelle époque!»

Bilâl ramena ensuite la discussion vers le vif du sujet, alors que les larmes suscitées par l'évocation du passé perlaient sur ses joues:

«Voyons si Abû Bakr m'avait délivré et affranchi pour l'amour d'Allah, ou pour toute autre raison. S'il l'avait fait pour l'amour d'Allah, il n'aurait aucun droit sur moi, et s'il ne l'avait pas fait pour satisfaire Allah, je resterais son esclave et serais sous son contrôle, mais je suis toujours libre concernant ma croyance.

»Et comme je l'ai déjà dit, je ne ferai l'azan à personne après le Saint Prophète. De plus je ne ferai le serment d'allégeance qu'à celui à qui j'ai la responsabilité de prêter serment d'allégeance. Je n'accepte comme Calife que celui qui a été désigné par le Saint Prophète pour sa succession.

»Puis, je dois te dire que si Abû Bakr ne m'avait pas délivré et affranchi, je serais mort en vrai croyant et je serais allé au Paradis. Mais à présent, lorsque tu me demandes de participer à cette affaire (d'azan) je ne sais pas si cela me conduirait au Paradis ou à l'Enfer, ni si je pourrais préserver ma foi ou non».

'Omar fut très contrarié par ce discours et jeta sur Bilâl un regard plein de rage et d'animosité. Il quitta les lieux, l'air très irrité.(54)

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