Mar07162024

mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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Chapitre 16 `othmân, le népotisme et les tulaqâ'

Chapitre 16

`othmân, le népotisme et les tulaqâ'

Nous avons jusqu'ici jeté la lumière brièvement sur les écarts de `Othmân par rapport à ses deux prédécesseurs et par rapports aux principes de l'Etat islamique, tels qu'ils avaient été enseignés et appliqués par le Saint Prophète. Nous avons noté comment, Abû Tharr voyant `Othmân s'évertuer à allouer l'argent des Musulmans à ses proches parents aux dépens des pauvres, fut conduit, à la fois par sa ferveur religieuse et par sa fidélité aux enseignements du Saint Prophète, à élever la voix contre la déviation et à dénoncer les pratiques du 3e Calife, qu'il jugeait contraires aux préceptes de la Religion. Nous avons vu aussi, que bien qu'Abû Tharr, en agissant ainsi, n'ait fait qu'appliquer l'un des fondements de l'Islam: «Commander le bien et interdire le mal», il fut persécuté et déporté en Syrie puis ramené à Médine d'une façon horrible. Si, malgré tous les avertissements qu'il reçut de `Othmân et de Mu`âwiyeh et de toute la répression qu'il en subit, il persista à dénoncer les pratiques de ce gouvernement, c'est parce qu'il était un homme de principe et très attaché au respect de la promesse qu'il avait faite au Prophète, de dire toujours la vérité sans craindre aucun pouvoir et sans se soucier de tout blâme d'où qu'il viendrait. Qu'il fût devant la plus haute autorité ou devant le commun des mortels, il n'hésitait pas à dire la vérité de la même façon. Dire la vérité, c'est cela qui comptait pour lui, et il la disait indifféremment dans la rue, le marché, le masjid ou la Cour.

Maintenant, nous allons détailler un peu plus la façon dont `Othmân avait ouvert le Trésor Public, propriété de tous les Musulmans, à ses proches et amis et quelles énormes fortunes ceux-ci purent, de cette façon, accumuler. Dans les pages suivantes nous verrons d'après les faits présentés, comment des Compagnons, fidèles aux Traditions et enseignements du Prophète tels que `Ali, Abû Tharr, Salmân al-Fârecî, al-Miqdâd et `Ammâr Ibn Yâcer pouvaient difficilement tolérer cette situation inacceptable. Car après tout, même écartés du pouvoir, eux aussi avaient des obligations envers l'Islam. De là, leur réaction contre les pratiques du gouvernement en place.

 

Ci-après quelques exemples des largesses de `Othmân envers ses proches, et de son népotisme. Mais avant de citer ces exemples, il est opportun d'expliquer comment l'idée de favoriser les Omayyades était venue à son esprit et comment il dépassa les limites dans ce favoritisme.

Ibn `Asâkir, un historien et commentateur (du 2e siècle de l'Hégire, probablement) écrit à ce propos: «Selon le récit d'Anas Ibn Mâlik, un jour Abû Sufiyân Ibn Harb, qui était devenu aveugle, vint voir `Othmân et après s'être assuré auprès de ses compagnons qu'il n'y avait personne d'autre avec le Calife, dit: "O `Othmân! Fais de cet Etat islamique un Etat pré-islamique (Jahilite)"».

Il n'est pas étonnant qu'Abû Sufiyân exprima ce désir pré-islamique, car on sait jusqu'au moment de la Conquête de la Mecque. il avait été à la tête des ennemis les plus farouches et les irréductibles du Prophète et de l'Islam. Il n'était devenu Musulman que contraint et forcé, une fois la Mecque conquise. Par ailleurs après cette conquête, tous ceux qui avaient combattu l'Islam jusqu'au dernier moment devaient en principe passer par les armes, mais le Saint Prophète les fit bénéficier d'une amnistie générale, pour vivre en paix au sein de l'Islam. C'est pourquoi on les appela les Amnistiés (Tulaqâ'). On les désigna aussi par le terme "al-Mu'allafah qulûbuhum" (les coeurs à rallier), car, le Prophète sachant que ces gens avaient accepté l'Islam, contraints et forcés, et que dans leurs coeurs, ils restaient obscurantiste (pré-islamiques, jâhilites) et hostiles à la Religion, leur donnait des allocations dans l'espoir de rallier leur coeur à l'Islam, ou tout au moins, de les neutraliser et de modérer leur haine enfouie de l'Islam.

`Othmân fut vraisemblablement favorable à la suggestion d'Abû Sufiyân. Aussi se mettait-il à appuyer pleinement les Omayyades, et les Tulaqâ', ne leur refusant rien, leur permettant de s'enrichir considérablement, leur confiant les postes-clé de

l'Etat, tout en écartant et réprimant en même temps ceux qui devaient diriger légitimement et légalement la Nation musulmane. Ces derniers se tournèrent alors tout naturellement vers `Ali et sa progéniture. `Othmân toujours inspiré par la suggestion d'Abû Sufiyân leur réserva un traitement inqualifiable.

D'après de nombreux historiens et de récits historiques dignes de foi,(66) la veille de la mort d'Umm Kulthûm, son épouse, `Othmân fit ses noces avec une autre femme, tout simplement parce qu'elle était une parente du Prophète, sans se soucier de l'agonie de son épouse mourante.

Afin d'expliquer les raisons pour lesquelles les Musulmans devinrent de plus en plus opposés et hostiles à `Othmân, les historiens citent une série d'arguments.

Il y a tout d'abord le fait que le 3e Calife donna le terrain de Fadak - propriété de Fâtimah al-Zahrâ' dont elle avait été dépossédée sous le Califat d'Abû Bakr - à Marwân Ibn al-Hakam, une personnalité maudite par le Prophète et détestée de ce fait par les Compagnons pieux. Fadak demeura la propriété de Marwân et de ses descendants jusqu'au Califat de `Omar Ibn `Abdul-`Azîz, celui-ci le rendra à ses propriétaires légitimes et originels, les descendants de Fâtimah, les Ahl-ul-Bayt.(67)

`Othmân ne se contenta pas d'attribuer Fadak à Marwân Ibn al-Hakam, son cousin et le mari de sa fille, Umm Abân, mais il lui offrit, de plus, une coquette fortune, soit le cinquième du butin prélevé en Afrique. A ce propos, `Abdul-Rahmân Ibn Hanbal al-Jama`î al-Kindî composa un poème sarcastique à l'adresse de `Othmân, dont voici un vers:

«O Calife! Tu as ramené Marwân, le Maudit, près de toi, en opposition à ceux qui t'ont précédé,

tu as fait de lui ton gendre, et tu lui as donné le cinquième des butins d'Afrique, faisant ainsi injustice aux pauvres» ("Al-Ma`ârif", p. 84; "`Abul-Fidâ", Vol. 1, p. 160).

Selon les historiens, Ibn Kathîr et al-Wâqidî, la valeur totale des butins alloués à Marwân atteignit deux "crores" vingt mille pièces or(68).

Selon al-Tabarî le montant de l'allocation était de deux "crores" cinq "lacs" vingt mille pièces d'or(69).

En outre, Marwân reçut aussi le cinquième des butins d'Egypte(70).

Quant à Ibn Abî Hadîd, il écrit à ce propos: «En mariant sa fille à Marwân, le Calife lui alloua 1 "lac"dirhams du Trésor Public. Zayd Ibn Arqam le trésorier, réagit à cette action en jetant la clé du Trésor devant `Othmân et en lui disant: «Marwân ne mérite même pas un seul millier de dirhams du Trésor» ("Charh Ibn Abil-Hadîd", Vol. 1, p. 67).

Or, tous les historiens, les commentateurs, les "traditionnistes" et les narrateurs s'accordent pour affirmer qu'aussi bien Marwân que son père, al-Hakam, ainsi que leur progéniture avaient été maudits et détestés par le Prophète. `آ'ichah dit à ce propos que Marwân était le produit d'un sperme maudit par le Prophète. Le Messager d'Allah ne supportait pas qu'ils vivent sur terre. Allah les avait déclarés, tous les deux, ainsi que leurs ancêtres et leurs descendants, comme étant un arbre généalogique maudit, et le Saint Prophète avait banni al-Hakam de Médine. Abû Bakr et `Omar ne les ont pas autorisés à revenir. Malgré toutes ces très sérieuses charges islamiques qui pesaient contre eux, `Othmân les fit non seulement revenir à Médine, mais maria aussi, sa fille, Umm Aban, au fils de Hakam, Marwân.(71)

Lorsque Marwân Ibn al-Hakam revint à Médine sur l'invitation de `Othmân, il était vêtu de loques et quand il sortit de la Cour califale il portait des vêtements de soie recouverts d'un manteau. Le Calife lui avait donné trois "lac" dirhams(72) de l'argent des charités du Yémen(73).

"Al-Ma`ârif d'Ibn Qutaybah" (p. 83), "Al-`Iqd al-Farîd" (Vol. 2, p. 261), "Mohâdharât Râghib al-Içfahânî" (Vol. 2, p. 212) et "Mir'ât al-Jinân" d'al-Yâfe`î (Vol. 1, p. 85) confirment ce retour anormal de Marwân et écrivent: «Marwân était celui qui avait été banni par le Prophète d'Allah et à qui ni Abû Bakr ni `Omar n'avaient donné l'autorisation de retourner à Médine. Cependant, `Othmân le fit revenir et le gratifia d'un cadeau de 1 "lac" dinars.

Hârith Ibn al-Hakam, le frère de Marwân et le mari de `A'ichah, la fille de `Othmân, reçut quant à lui 3 "lacs" dirhams du Trésor des Musulmans grâce à la "générosité" de son beau-père. `Othmân lui donna en outre plusieurs chameaux qui avaient été offerts au Trésor à titre de charité ("Ansâb al-Achrâf" d'al-Balâtharî, Vol. 5, p. 52), et lui concéda également un marché "Mahzûn" qui avait été établi par le Prophète à Médine.(74) Et enfin, il perçut le dixième du revenu des marchés de Médine(75).

`Othmân alloua aussi un "lac" dirhams à Sa`îd Ibn al-`آç Ibn Omayyah (Selon Abû Makhuaf et al-Wâqidî). Or le père de ce même Sa`îd, al-`آç s'était rendu célèbre par les persécutions excessives qu'il avait fait subir au Saint Prophète. `Ali l'avait tué dans la bataille de Badr(76).

Quant à Sa`îd, il était celui qui avait dédaigneusement traité une fois, lors de l'observation de la lune, Hâchim Ibn `Utâbah de borgne. A cause de cette remarque de mépris, des Compagnons augustes du Prophète le battirent et brûlèrent sa maison. `Ali, Talhah, al-Zubayr et `Abdul-Rahmân Ibn A`wf s'opposèrent à la décision de `Othmân de lui allouer 1 "lac" dirhams mais le Calife négligea tout simplement leur objection ("Al-Achrâf" d'al-Balâtharî, Vol. 5, p. 28).

`Othmân obtint de `Abdullâh Ibn Mas`ûd, le trésorier de Kûfa, un prêt de cent mille dirhams pour son frère consanguin, al-Walîd Ibn `Oqbah Ibn Abî Mo`ît Ibn Abî `Omar Ibn Omayyah. A l'échéance, lorsqu'Ibn Mas`ûd demanda à ce dernier de restituer l'argent du Trésor Public, il écrivit à `Othmân pour se plaindre de la demande du remboursement faite par le trésorier. `Othmân écrivit alors à Ibn Mas`ûd: «Tu es mon trésorier. Je t'ordonne de ne pas demander à al-Walîd de restituer l'argent qu'il a emprunté au Trésor Public, ni de faire aucune objection à ce sujet».

`Abdullâh Ibn Mas`ûd, mécontent de l'attitude du Calife, se rendit au masjid de Kûfa, le vendredi, et divulgua publiquement cette affaire. Al-Walîd, mis ainsi au pilori, informa `Othmân de ce qu'avait fait le trésorier. `Othmân le démit de ses fonctions.(77)

Or, le père de ce même al-Walîd avait été l'ennemi mortel du Saint Prophète. Selon `A'ichah, le Saint Prophète disait: «J'en ai assez de deux de mes voisins: Abû Lahab et `Oqbah Ibn Abî Mu`ît. Tous les deux, outre leurs différents méfaits, laissent des amas de saleté et d'ordure au seuil de ma porte»(78).

Les commentateurs et les historiens affirment que `Oqbah était ce personnage maudit qui devint apostat après avoir embrassé l'Islam et que c'était à propos de lui que le verset coranique suivant avait été révélé: «Le Jour où l'injuste se mordra les mains en disant: "Malheur à moi! Si seulement j'avais suivi le chemin avec le Prophète"» (Sourate al-Furqân, 25:27). Dans ce verset "l'injuste" n'est autre que ce même `Oqbah le maudit, selon l'explication de:

"Tafsîr al-Tabarî", Vol. 4, p. 6

"Tafsîr al-Baydhâwî", Vol. 2, p. 161

"Tafsîr al-Qurtobî", Vol. *, p. 25

"Tafsîr al-Zamakh-charî", Vol. 3, p. 326

"Tafsîr Ibn Kathîr", Vol. 3, p. 317

"Tafsîr al-Nîchâpûrî" dans la marge d'al-Tabarî, Vol. 14, p. 10

"Tafsîr al-Kabîr"d'al-Râzî, Vol. 6, p. 369

etc...

En bref, il y a une matière si riche et si fournie dans les livres d'histoire et de Tradition, sur les mauvaises moeurs et conduites d'al-Walîd et de son père, qu'on pourrait écrire de nombreux ouvrages à leur propos. En quelques mots, on peut qualifier Walîd d'homme obscène, adultère, débauché et alcoolique qui souilla la Religion. Ci-après quelques exemples illustrant la bassesse de ses moeurs et de ses agissements:

1- Comme nous l'avons déjà mentionné, Walîd étant en état d'ivresse, il accomplit un jour dans le masjid de Kûfa quatre rak`ah de prière du matin au lieu de deux;

2- Sur ordre de l'Imam `Ali, `Abdullâh Ibn Ja`far lui infligea la peine de quatre-vingts coups de fouet pour consommation d'alcool;

3- Lorsqu'al-Walîd Ibn al-`آç lui succéda à la tête du gouvernement de Kûfa, il fit laver la chaire soigneusement en disant: «Enlevez-en la saleté de Walîd"(79).

Le 3e Calife gratifia un autre proche parent, l'Omayyade `Abdullâh Ibn Khâlid Ibn `Usayd Ibn Abî-l `آç Ibn Omayyah de 300.000 dirhams et offert 1.000 dirhams à chacun des membres de sa tribu.(80)

Selon al-Ya`qûbî, lorsque `Othmân maria sa fille à `Abdullâh Ibn Khâlid Ibn `Usayd, il ordonna à `Abdullâh Ibn `آmer de lui allouer du Trésor Public de Basrah la somme faramineuse de 600.000 dirhams(81).

Tout le monde sait combien Abû Sufiyân, le chef de file des Tulaqâ' (les amnistiés) était détesté par les Compagnons du Prophète, à cause de son passé. Pourtant, `Othmân n'hésita pas à lui attribuer 200.000 dirhams du Trésor Public, et ce, le jour même où le 3e Calife fit un don de 100.000 dirhams à Marwân Ibn al-Hakam(82).

Le Calife `Othmân offrit le cinquième des butins d'Afrique à son frère de lait, `Abdullâh Ibn Sa`d Ibn Abî Sarh. Selon Abul-Fidâ, la valeur de ce cadeau était de 100.000 dinars ("Usud al-Ghâbah", Vol. 7, p. 152). Quant à Ibn Abî al-Hadîd, il note qu'il le gratifia de tout le butin reçu de l'Afrique de l'ouest sans rien en donner à aucun autre Musulman ("Charh Nahj al-Balâghah"). Or, ce Sa`d Ibn Abî Sarh était celui qui avait embrassé l'Islam avant la conquête de la Mecque, émigré à Médine et devint apostat. Après son apostasie, le Prophète décréta qu'il devait être exécuté, même s'il se trouvait accroché aux rideaux de la Ka`bah. Mais `Othmân le cacha et intercéda auprès du Prophète pour lui pardonner(83).

Puis `Othmân alloua 200.000 dinars (en pièce d'or) à Talhah Ibn `Abdullâh ("Al-Balâtharî", Vol. 5, p. 7), et lui donna en même temps plusieurs sacs d'or et d'argent.

Tels sont quelques exemples qui jettent un peu de lumière sur le népotisme du 3e Calife qui fit rouler les Omayyades sur l'or appartenant aux Musulmans.

Maintenant, il convient d'expliquer comment cette politique d'enrichissement à l'excès conduisit certains Compagnons à devenir des amoureux de la vie d'ici-bas après la disparition du Prophète, et comment ce bas-monde les vainquit. Mais nous voudrions tout d'abord montrer, comme l'ont fait, la plupart des historiens et des "traditionnistes", que cette générosité démesurée envers les Omayyades était contraire à la Volonté d'Allah et de Son Prophète. En effet, Allah avait qualifié ces mêmes Omayyades d'"arabe maudit", et le Prophète d'Allah les désigna comme étant les gens maudits de la Ummah. Les théologiens sont unanimes pour dire que les Omayyades avaient eu une rancune tenace envers le Prophète (P).

`Ali dit que chaque nation souffre d'une calamité ou d'une autre. La calamité de notre Ummah (nation) ce sont les Omayyades.(84) Mais, si personne ne conteste que selon le Prophète et sa progéniture, les Omayyades étaient une calamité pour la Ummah, on ne saurait oublier que `Othmân, au contraire, leur donna les moyens de sévir et de s'emparer de l'Etat islamique en leur ouvrant grande la porte du Trésor Public. Le 3e Calife justifia son attitude en déclarant souvent: «Le Trésor Public est le nôtre. Nous le dépensons comme nous l'entendons. Et nous n'accepterons aucune objection de personne».(85)

A présent, voyons comment des Compagnons proches parents du 3e Calife s'enrichirent considérablement et comment cet enrichissement illégal constitua un vrai gaspillage.

Ainsi, Zubayr Ibn al-`Awwâm était le gendre du Calife. Il laissa derrière lui après sa mort une fortune consistant en:

1- onze maisons à Médine

2- deux maisons à Basrah

3- une maison à Kûfa

4- une maison en Egypte

5- Il avait quatre femmes

Après la déduction du tiers de sa fortune, chacune de ses quatre femmes hérita le quart du reste. L'ensemble de sa fortune s'évaluait à cinquante neuf "crores"et huit "lacs"(86).

Ibn Sa`d al-Wâqidî (mort en 230 H.) écrit qu'al-Zubayr Ibn al-`Awwâm avait des terrains en Alexandrie, en Egypte et à Kûfa et plusieurs maisons à Basrah. Il avait reçu d'innombrables sacs de grains de Médine(87). Abul-Hassan `Ali Ibn al-Hussayn Ibn `Ali al-Mas`ûdî (mort en 346 H) affirme qu'outre tout ce qui précède, il avait laissé après sa mort un millier de chevaux, un millier d'esclaves hommes et un millier d'esclaves femmes, ainsi que plusieurs étendues et terrains(88).

Talhah ibn `Ubaydullâh al-Temîmî était aussi le gendre du 1e Calife. Il avait une maison à Kûfa au nom de Kanâs. Son revenu quotidien, tiré seulement des grains, était de 100 dinars. Il possédait plusieurs auberges entre Tahâmah et Tâ'if, ainsi qu'un beau palace à Médine. Sa propriété en Irak lui rapportait un revenu mensuel de 10.000 dinars. Mûsâ Ibn Talhah, note que ledit Talhah laissa derrière lui 20 millions deux cent mille (20.200.000) dirhams et 200.000 dinars en liquide. En outre, il laissa des terres agricoles et trois cents sacs en peau de boeuf remplis d'argent. Ibn al-jawzî affirme qu'il avait des sacs de peau de chameau très larges.(89)

`Abdul-Rahmân Ibn `Awf était le beau-frère de `Othmân et c'était lui qui sur ordre de `Omar avait favorisé la désignation de `Othmân au détriment de `Ali pour le Califat, comme nous l'avons vu dans un chapitre précédent. Il possédait à sa mort un millier de chameaux, 30.000 chèvres et une centaine de chevaux, ainsi qu'une telle quantité d'or qu'on dut le couper avec une hache pour le diviser. Il avait cinq femmes. Chacune d'elles eut 80.000 dinars. Il avait divorcé de l'une d'elles pendant sa maladie, en lui offrant 83.000 dinars. En outre, il laissa derrière lui 10.000 moutons dont la valeur était estimée à 84.000 dinars.(90)

D'aucuns n'ont pas manqué de faire un rapprochement et une relation de cause à effet, entre son astuce pour favoriser la nomination de `Othmân à la place de `Ali Ibn Abî Tâlib, et cette fortune colossale qu'il put accumuler grâce au 3e Calife qu'il avait porté au Califat lui-même.

Sa`d Ibn Abî Waqqâç laissa derrière lui 250.000 dirhams et une très grande maison qu'il avait fait construire à `Aqîq. C'était en fait un palace magnifique, très haut et très spacieux avec de belles tourelles érigées sur les étages supérieurs(91). Selon la traduction de `Abdul-Hamîd Jawdat al-Sahar, il avait fait incruster des agates dans son palace.

Ya`lâ Ibn Omayyah, le gouverneur du Yémen laissa comme héritage 500.00 dinars et beaucoup de prêts qu'il avait accordés aux gens, ainsi qu'un vaste terrain, et une propriété estimée à 100.000 dinars(92).

Zayd Ibn Thâbit était l'homme qui aida `Othmân par tous les moyens et de différentes façons. Il lui était totalement soumis. Il laissa derrière lui tellement d'or et d'argent qu'on dut utiliser la hache et le marteau pour les couper et les diviser. De plus il laissa d'autres biens dont la valeur était estimée à 100.000 dinars(93).

Telle était la politique de népotisme, de favoritisme et d'extrême largesse du 3e Calife envers ses proches et ses sympathisants. Evidemment, aucun des adeptes du Prophète ne pouvait accepter, sans rechigner, cette façon de distribuer la richesse des Musulmans parmi ses propres amis. C'est pour cette raison que les grands Compagnons tels que `Alî, Salmân al-Fârecî, Abû Tharr, al-Miqdâd et `Ammâr Ibn Yâcer protestèrent vivement contre son attitude qu'ils jugèrent contraire aux Traditions et aux enseignements du Prophète.

Peut-être d'aucuns seraient tentés de dire ou de croire, comme le disait le 3e Calife lui-même, que tout ce que `Othmân avait fait, c'était pour des parents pauvres qui méritaient aide et assistance, et qu'il n'avait rien fait pour son bien-être personnel. Mais une telle assertion ne résiste pas à l'examen des historiens à cet égard. Il apparaît clairement d'après l'étude de la biographie du 3e Calife qu'il n'avait rien à envier à ceux qu'il avait enrichis démesurément. En effet, `Othmân avait une denture en or. Il portait un manteau de fourrure soyeuse qui valait cent dinars. Le manteau de sa femme, Nâ'ilah valait cent dinars aussi(94). Il y avait un coffre-fort plein d'or et d'argent à Médine. `Othmân en fit sortir les ornements pour les réserver à sa famille. Cela souleva une levée de bouclier parmi les gens et les protestations fusèrent de toutes parts. `Othmân eut même une altercation avec `Ali à ce propos, mais il resta de marbre(95). Il se fit construire un palace à Médine; il fut renforcé par des pierres et une pinacle, et ses portes étaient en teck et platane. Il détenait une immense fortune. Il possédait de nombreuses sources à Médine. Les historiens affirment qu'il laissa derrière lui après son assassinat 300 millions et cinq cent mille (300.500.000) dirhams et cinq million (5.000.000) dinars. Parmi tous les biens qu'il laissa, ceux de la Vallée de Qurâ et de Hunayn seulement valaient 100.000 dinars. En outre, il laissa beaucoup de chameaux et de chevaux derrière lui. Selon Ibn Sa`d la valeur de son patrimoine dans la Vallée de Qurâ et Khaybar était de 200.000 dinars(96), et selon Jorji Zaydân, de 1.000.000 dinars(97). De plus, il laissa mille esclaves(98), ainsi que mille chameaux à Rabadhah(99).

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