Mar07162024

mise a jour :Dim, 20 Aoû 2023 9pm

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III - La possibilité d’établir le consensus

III - La possibilité d’établir le consensus

 

Les savants ne sont pas d’accord en ce qui concerne la possibilité effective d’établir le consensus, surtout quand on le comprend à partir de sa définition en vigueur qui exige l’accord de tous les juristes.

Les opinions sur cette question vont de l’impossibilité à la possibilité de son établissement au temps des compagnons et avant la dispersion de ces derniers dans les différents pays de l’Islam.
Ceux qui pensent que son établissement est possible avancent les preuves suivantes :


1- Il n’y a pas un empêchement, de raison ou d’usage, qui fait que l’établissement du consensus soit impossible : les compagnons qui représentaient les juristes des premiers temps de l’Islam, sous les deux premiers califes bien dirigés, pouvaient l’établir, car ils vivaient dans un même endroit et pouvaient, de ce fait, être réunis et recensés, puis consultés au sujet de telle questions discutée.

2- Le consensus a été effectivement établi entre les Musulmans, en ce qui concerne les choses nécessaires de la religion, comme l’obligation de la prière et l’aumône légale, la validité des contrats de vente, l’illicite de l’usure, et ainsi de suite pour tout ce qui est qualifié par un texte légal péremptoire (qat’i).

3- Le consensus a été effectivement établi en ce qui concerne des questions non qualifiées par un texte légal franc (sarih). Plusieurs exemples sont donnés pour confirmer ces faits.

A ce propos, le savant Muhammad Abu Zuhra dit : « La masse des juristes adoptent l’attitude selon laquelle l’établissement du consensus est possible, et qu’il a effectivement eu lieu. Il a eu lieu à l’époque des compagnons : il y a eu consensus sur le fait que le sixième de l’héritage revient à la grand-mère. Il y a eu consensus aussi sur l’illicite du mariage avec les tantes paternelle et maternelles de l’épouse… Les questions qui ont fait l’objet du consensus des compagnons sont innombrables ».


Ceux qu nient la possibilité de l’établissement du consensus répondent en avançant les arguments suivant :

1- Le consensus en ce qui concerne une qualification appuyée sur un texte légal péremptoire, ne peut pas être considéré comme un vrai consensus car il est clair que, dans une telle situation, la preuve de la qualification est le texte lui-même et non pas le consensus ; par conséquent, ce consensus n’est pas celui qu’on cherche, pour l’utiliser comme une preuve légale, dans le cas où les textes font défaut.

2- Le consensus n’a pas eu lieu effectivement au temps des compagnons, ni à aucun autre moment, et tous les consensus dont on parle dans les écrits des juristes ne sont rien de plus que des accords, entre un nombre limité de compagnons – y compris le calife –au sujet d’une qualification donnée. Il n’y a eu, d’après les informations qui nous sommes parvenues, aucun consensus établi en la présence de tous les compagnons et de tous les juristes en vie au moment de l’émission d’une qualification donnée.

Cela explique les désaccords au sujet de l’identité des juristes compétents pour l’établissement du consensus. Ceux qui pensent qu’il peut être établi par l’accord des compagnons seuls, ou des califes bien dirigés pris individuellement ou dans leur totalité, comme nous l’avons noté, se réfèrent à certains consensus qui ont eu lieu effectivement par l’unanimité des personnes mentionnées, et qui ont été considérés, de ce fait, comme des vrais consensus.  Mais il n’y a pas de doute qu’une telle considération ne représente pas l’attitude en vigueur qui a donné jusqu’à  nos jours, cette attitude qui pose, comme condition indispensable pour l’établissement du consensus, l’accord de tous les juristes du monde musulman, à un moment donné.

La dispersion des juristes dans les différents pays de l’Islam et leur nombre très élevé, font qu’il est ordinairement impossible de les recenser et de les consulter, surtout dans les conditions de l’éloignement vis-à-vis de l’ère des textes et des divergences sensibles dans les fondements de déduction qui se reflètent au niveau de la pratique de l’ijtihad. Cela veut dire qu’il n’y avait plus de critères rigoureux pour distinguer les juristes ayant le droit d’exercer l’ijtihad et de faire partie de l’ensemble des juristes pouvant établir le consensus.

L’imam ash-Shafi (mort en 204H. / 819), représentant de la tendance connue, dit à ce propos : « Qui sont les savants dont le consensus constitue, dans le cas où il est établi, une preuve évidente ? Il n’y a aucun pays où on ne rencontre pas de juristes qui ne reconnaissent pas la compétence de tels ou tels autres juristes. Ils s’accusent mutuellement d’être des ignorants ou de ne pas avoir le droit de prononcer des avis juridiques. Les uns invitent les gens à ne pas accepter les opinions des autres … Puis il y a les divergences à l’intérieur de chaque pays et les divergences entre les savants appartenant aux différents pays… Comment donc tous ceux-ci pourraient-ils être en accord au sujet d’une seule et même jurisprudence ? ».

Même s’il était possible de recenser les juristes et d’en connaître les opinions, rien ne garantirait le fait que certains d’entre eux n’abandonneraient pas leurs opinions avant que celles des autres juristes ne soient connues. Les mujtahids-on le sait bien- changent d’avis très souvent, à la suite de l’approfondissement de la recherche de la recherche ou de la découverte de nouvelles preuves.

A ce propos, le savant Abdul Wahhab Hallaf dit, dans son livre Usul alfiqh : « A supposer qu’on soit arrivé à identifier les mujtahids et à connaître leur opinions d’une manière sûre, qu’est-ce qui garantit que celui qui a déjà donné son avis au sujet d’un fait donné, continuera à l’adopter jusqu’à ce que les avis des autres mujtahids soient connus ? Qu’est-ce qui empêche qu’une incertitude intervienne et le pousse à abandonner son avis avant que les avis des autres mujtahids ne soient connus ? La condition indispensable pour l’établissement du consensus est l’accord de tous les mujtahids vivant à l’époque donné, au sujet de la qualification d’un fait donné ».

Le savant Ahmad b. Hanbal (mort en 241H /835), représentant de la tendance comme, dit : « Quand on prétend qu’il y a consensus, il ne s’agit que de mensonge. Celui qui prétend que le consensus existe est un menteur ! Il se peut les gens ne soient plus d’accord sans qu’il le sache. Comment pourrait-il le savoir ? ».

On peut conclure qu’une partie importante des juristes des tendances sunnites, et notamment des représentants des tendances les plus connus, nie la possibilité de l’établissement du consensus et soutiennent qu’il n’a jamais eu lieu effectivement. Ils pensent que ce dont parlent les partisans de la possibilité du consensus, ne s’applique qu’aux accords de quelques compagnons au sujet de quelques qualifications qui ne peuvent être considérées comme le fruit d’un consensus que lorsqu’on adopte certaines opinions contraires à l’attitude générale et en vigueur.

 

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